Réforme Statut : pour 1 euro symbolique

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La réforme du Statut de 2014 a été la première à être adoptée après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009, c’est-à-dire la première à être adoptée par la procédure législative ordinaire, en d’autres termes par codécision du Parlement européen (PE) et du Conseil, toujours sur proposition de la Commission.

Le fait que le Parlement européen, seule institution directement élue par les citoyens, ait été promu en co-législateur de l’Union a alors été salué comme apportant plus de légitimité démocratique.

Paradoxalement, en matière de révision du statut du personnel, le fait de revaloriser un acteur dans la procédure législative a eu comme effet d’en marginaliser un autre, celui-là même qui était pourtant directement concerné : le personnel et ses organisations représentatives.

Réforme 2004 – 10 ans en arrière, et avant le traité de Lisbonne, une grande réforme avait été apportée au statut, celle de 2004. Or, celle-là avait fait l’objet de négociations sérieuses avec les organisations syndicales et professionnelles (OSP), ce qui est même mentionné dans son considérant 38 : «Considérées dans leur ensemble, les mesures de modernisation de la carrière et les mesures financières ont été acceptées par les organisations représentatives du personnel consultées dans le cadre de la commission de concertation instituée par la décision du Conseil du 23 juin 1981.».

Cette commission de concertation tripartite (dite CoCo) était composée : i) d’un représentant de chaque État membre, ii) d’un nombre égal de représentants du personnel désignés par les OSP et iii) du chef de l’administration de chaque institution. En vue de la réforme 2004, la CoCo avait réuni les ambassadeurs non seulement des 15 États membres, mais aussi ceux des 10 États en voie d’adhésion.

Réforme 2014 – Par contre, en 2013, cette CoCo s’est avérée trop étroite pour offrir aux yeux du nouveau venu, le PE, une place digne de son rang. À une négociation formelle avec les OSP, ce dernier a en effet préféré «des moyens plus directs et flexibles» pour «écouter l’avis des représentants du personnel avant de légiférer». Quant à la CoCo elle-même, elle ne s’est jamais réunie dans sa composition plénière, c’est-à-dire avec les représentants des États membres.

Dans le cadre du nouveau «trilogue» (COM, Conseil, PE), les OSP ont été perçues comme susceptibles de perturber un équilibre difficile à atteindre entre acteurs institutionnels dans un calendrier serré (v. historique par EPSU CJ, 26 Sep 2013).

Dès la présentation de son premier projet par la Commission Barroso en 2011, il est devenu clair que la nouvelle réforme (2014) visait des mesures d’austérité. À quelques exceptions près, elle a constitué une régression sociale par rapport à la réforme 2004.

Un seul exemple :

Réforme 2004 – Le principe d’équivalence des carrières pré- et post-2004 était un élément clé de la réforme, que les OSP négociantes (en premier lieu l’USF) avaient obtenu en contrepartie de la modification radicale des carrières. Il a été inscrit à l’article 6 du Statut. Une autre avancée de cette réforme a été l’inclusion des anciennes catégories C et B dans un seul groupe de fonctions AST.

Réforme du Statut de 2014 – La Commission a constaté que, dans le cas des secrétaires/commis, «le principe de l’équivalence des carrières [était] manifestement violé». Elle a donc lancé le processus inverse de celui de 2004. Résultat final, l’ancienne catégorie C (pré-2004) a été ressuscitée par la création du groupe de fonctions AST/SC, qui, loin de rétablir l’équivalence, est tombé en dessous de l’ancienne catégorie C de 13,9 %. Quant au principe d’équivalence des carrières, qui avait, paraît-il, épuisé son utilité, il a disparu par la suite de l’article 6 du Statut.

L’Union Syndicale Fédérale (USF), estimant que la réforme du Statut de 2014 avait violé l’accord intervenu entre les OSP et le législateur sur la réforme 2004, a attaqué le Parlement et le Conseil en justice (Affaire T-75/14). Outre l’annulation de certains points de la réforme, elle a demandé «un euro symbolique en indemnisation du dommage moral subi».

Façon de faire reconnaître un préjudice, en réalité incalculable, consistant en sa perte de crédibilité (en réalité en la perte de crédibilité du syndicalisme en général).

Comme le mandataire du syndicat l’a exposé devant le Tribunal, l’objet principal d’un syndicat est la défense des intérêts du personnel. Si, lorsqu’il s’agit de définir les conditions d’emploi de ce personnel, les syndicats sont court-circuités par l’employeur/législateur, le message adressé tant aux institutions qu’au personnel est que les syndicats sont incapables de jouer ce rôle, donc inutiles.

Les effets pervers de ce message sont multiples : la prolifération des syndicats, avec un poids réduit, la montée du corporatisme, qui perd de vue l’intérêt général du personnel. La raréfaction de l’implantation syndicale et la dilution de la représentativité des organisations du personnel. Des syndicats sans moyens propres, entretenus par l’employeur. Des syndicats qui promeuvent n’importe quel produit ou activité afin d’attirer des adhérents, donc du financement. Pire, une certaine représentation du personnel hors syndicats, voire contre le syndicalisme.

Le personnel, touché en premier lieu, doit réfléchir sur les motifs de la marginalisation des syndicats. Ces motifs sont-ils liés à une tendance générale de la société ? Ou correspondent-ils à un but recherché ?

L’Europe, pour sa part, y compris sa justice, doit se poser sérieusement la question de savoir avec quel modèle social elle envisage de poursuivre sa construction. Veut-elle avancer avec les travailleurs ou sans eux ?

Vassilis Sklias
Président EPSU-CJ
Membre du Comité fédéral

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