RCAM : Les avantages et les dysfonctionnements

RCAM : Les avantages et les dysfonctionnements

Agora #89
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Les avantages et les dysfonctionnements du régime

Le Régime Commun d’Assurance Maladie (RCAM), un régime d’assurance-maladie pour les membres du personnel de l’UE, est l’un des éléments les plus importants de la couverture sociale du personnel de l’UE. Il offre une couverture des soins de santé non seulement aux fonctionnaires et aux retraités, mais aussi aux personnes à leur charge. S’il offre une (ré)assurance pour la protection de la santé, il souffre de quelques défauts depuis sa genèse il y a plus de 50 ans, ce qui a un effet à long terme. Au fil des ans, de nombreux fonctionnaires européens ont été confrontés à des difficultés liées au régime commun d’assurance-maladie.

Flashback

La création du RCAM s’est inspirée de l’affiliation de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) au régime de sécurité sociale des fonctionnaires et agents publics du Luxembourg, créé par la loi du 29 août 1951. Il s’agit de la première affiliation d’un régime de maladie du personnel communautaire à un régime étatique.

Lorsque le Traité de Rome a établi la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique en 1958, le statut des fonctionnaires du 18 décembre 1961 prévoyait déjà un régime spécifique d’assurance maladie au profit du personnel des deux nouvelles Communautés, en dehors du système de sécurité sociale d’un État membre.

Les membres-fondateurs des communautés européennes ont décidé de ne pas associer la sécurité sociale de leur personnel à un système national, qu’il s’agisse de l’État où les communautés ont leur siège ou de l’État d’origine du fonctionnaire. De ce fait, les fonctionnaires et autres agents des organisations internationales, ainsi que leurs dépendants, disposent de leur propre régime d’assurance-maladie, indépendamment des régimes nationaux du pays de leur nationalité ou de leur affectation. Ce choix vise à préserver l’indépendance du personnel des Communautés européennes, dans le contexte plus global de la définition des droits et obligations du personnel.

Le statut fixe les bases d’un système de sécurité sociale spécifique au profit du personnel de l’Union européenne (UE), basé sur le principe de la solidarité, où tous les bénéficiaires contribuent en partageant également l’avantage. L’objet de cette contribution est de définir le cadre juridique, les bénéficiaires, le financement, l’organisation et les avantages du régime d’assurance du personnel de l’UE.

Ce régime a été confirmé par l’adoption du statut des fonctionnaires des Communautés européennes le 29 février 1968. Ces dispositions s’appliquent à tous les fonctionnaires et autres agents travaillant pour les trois communautés à cette époque et n’ont pas été fondamentalement modifiées par les différentes révisions du statut, même lorsque de plus en plus de communautés ont été rejointes, puis avec la dissolution de la communauté CEE initiale et son absorption par l’UE en 2009.

La réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des CE est entrée en vigueur le 1er décembre 2005 en vertu de l’article 72 du statut. Le régime d’assurance maladie dit RCAM commun aux institutions de la Communauté européenne couvre les frais médicaux de ses bénéficiaires suite à une maladie, un accident, un accouchement et participe aux frais funéraires.

Le statut fixe également le plafond de remboursement pour la couverture du personnel de l’UE. Dans le même statut, les institutions, dans le cadre du règlement commun, peuvent confier à l’une d’entre elles le pouvoir de fixer les règles de remboursement des prestations médicales. Sur cette base, l’article 52 du RC confie cette compétence à la Commission, dans le cadre de dispositions générales d’exécution, adoptées par le Collège, après avis du Comité interinstitutionnel du statut. Ainsi, la décision de la Commission du 2 juillet 2007 portant dispositions générales d’exécution relatives au remboursement des frais médicaux détermine les pourcentages et les plafonds de remboursement, par type de traitement et par acte médical.

Tout comme dans le système de sécurité sociale français, les bénéficiaires du RCAM sont libres de choisir leur médecin ou leur établissement de santé. Bien sûr, des plafonds de remboursement sont fixés, et, dans le cas des établissements coûteux, les remboursements se font sur la base des plafonds selon les types d’actes, indépendamment du prix facturé à l’assuré.

Il convient de souligner que le RCAM présente de nombreux points positifs, tels que

– Une cotisation relativement faible de 1,7% du salaire de base,

– Une couverture très large, incluant de nombreux frais médicaux non couverts dans les États membres (par exemple les lunettes et les soins dentaires au-delà de 18 ans) ;

– Une liberté de choix totale, permettant à l’affilié de choisir librement un prestataire de soins (dans de nombreux États membres, la liberté de choix est limitée) ;

– une couverture véritablement européenne, permettant de bénéficier de soins médicaux dans toute l’UE (dans de nombreux États membres, le remboursement des soins transfrontaliers est loin d’être aisé).

Dysfonctionnement du régime

Au cours des dernières années, le résultat de la décision de séparer le régime de maladie communautaire du régime national est devenu un obstacle pour le personnel de l’UE qui doit faire face à la discrimination dans le pays de sa mission. Dans de nombreux États membres, le RCAM est considéré comme une assurance privée, permettant aux prestataires de services médicaux de facturer librement leurs traitements. Alors que les citoyens affiliés à un régime national d’un autre État membre peuvent bénéficier des tarifs négociés au sein du régime de sécurité nationale de chacun des États membres (voir le règlement 883/2004), le personnel de l’UE est confronté, au quotidien, à des prix plus élevés pour des services similaires.

Le régime est également confronté à un véritable enjeu, lié à la baisse de la cotisation moyenne résultant de l’abaissement du niveau des salaires, ainsi qu’au recrutement massif d’agents contractuels, dont les salaires sont nettement inférieurs à ceux des fonctionnaires. En fait, une augmentation de la contribution moyenne des agents au régime a été constatée jusqu’en 2010, en raison notamment de l’adaptation annuelle des salaires et des pensions. Depuis 2011, le refus des États membres d’adapter les rémunérations et les pensions du personnel de l’UE, en raison de la crise, puis le blocage des salaires des fonctionnaires de l’UE, décidé par le Conseil européen en février 2013, pour les années 2013 et 2014, ont ralenti l’augmentation de la contribution moyenne du personnel alors que le coût des traitements médicaux et des médicaments a continué à augmenter. Dans ce contexte, le RCAM a commencé à générer des déficits qui sont en grande partie liés à ce non-ajustement.

En outre, depuis 2011, le non-ajustement des salaires du personnel de l’UE a eu un impact significatif sur le niveau moyen de contribution des agents. Un dernier aspect doit également être pris en compte : la diminution du nombre de postes budgétaires (- 5 % entre 2013 et 2017), décidée par le Conseil européen en février 2013, et le vieillissement du personnel de l’UE, avec des départs massifs à la retraite dans les années à venir. Simultanément, on peut noter une augmentation des coûts de santé dans tous les pays de l’UE.

Ce déséquilibre risque encore de s’aggraver, notamment en raison du gel des salaires du personnel de l’UE, décidé par le Conseil pour les années 2013 et 2014.

Et la prochaine étape ?

Les RCAM se sont avérés utiles mais pas sans défauts. Comme indiqué plus haut, l’un des grands problèmes auxquels sont confrontés de nombreux collègues est la reconnaissance du RCAM dans un État membre. Il devrait être formellement reconnu que le RCAM, étant un régime public de sécurité sociale, devrait avoir les mêmes effets et bénéficier du même traitement que les régimes publics de sécurité sociale au niveau national.

Pour pouvoir prouver leur assurance par le biais du RCAM et donc bénéficier du principe d’égalité de traitement, les personnes couvertes par le RCAM devraient recevoir une carte d’identité prouvant leur affiliation au RCAM. Pour que cette carte ait une valeur pratique, elle doit être établie par un acte juridique formel, qui doit être dûment communiqué à tous les États membres, lesquels sont à leur tour tenus d’informer adéquatement tous les prestataires de services médicaux nationaux. La carte européenne d’assurance maladie pourrait servir d’exemple.

Il y a plusieurs années, le Paymaster’s Office (PMO) a mis en place un groupe de travail pour réviser et moderniser les règles du RCAM. L’Union Syndicale est représentée dans ce groupe de travail et malgré le fait que le processus soit long et laborieux, l’Union Syndicale s’efforce d’atteindre les principes suivants, communs à tous ces régimes :

  1. Ces régimes sont publics et obligatoires.
  2. Les affiliés (et autres bénéficiaires) doivent pouvoir accéder à tous les soins de santé nécessaires, partout où ils se trouvent.
  3. Les soins de santé doivent être fournis aux mêmes prix que les affiliés du régime national de santé publique concerné.
  4. Le libre choix du traitement doit être garanti. (Les personnes couvertes par le présent régime sont libres de choisir leurs praticiens et leurs hôpitaux ou cliniques. Le principe du libre choix n’implique pas automatiquement le remboursement des frais de voyage qui en découlent ; les règles de remboursement de ce type de frais sont définies dans les dispositions générales d’application. La liberté de choix ne s’applique aux bénéficiaires de la couverture complémentaire qu’après épuisement des possibilités offertes par le régime primaire.
  5. Ils doivent être gérés conjointement, entre les employeurs et les affiliés.

Mais par ailleurs, le régime présente également des inconvénients dont l’Union Syndicale a, au cours des dernières années, soulevé à plusieurs reprises le dysfonctionnement des règles actuelles.

– Des plafonds obsolètes, ce qui signifie que pour plusieurs traitements, un remboursement de 80/85% comme prévu dans le statut n’est pas garanti ; Les plafonds de remboursement ont été fixés il y a plus de dix ans et sont de plus en plus inadaptés. Une adaptation aux coûts médicaux d’aujourd’hui est urgente et devrait être la priorité lors des négociations. Pour que les nouveaux plafonds ne soient pas à nouveau dépassés dans quelques années, un mécanisme permettant d’adapter régulièrement les plafonds à l’augmentation du coût des soins de santé doit être inclus dans les règles. Les plafonds ne sont pas non plus adaptés au niveau des prix des soins de santé dans les différents États membres ;

– De nombreux prestataires de soins de santé en dehors de Bruxelles ne connaissent pas les règles et les procédures du régime pour la simple raison qu’ils n’y ont jamais eu affaire ou qu’ils essaient d’en profiter abusivement (surfacturation) ;

– Comme le prévoient les règles, le remboursement peut être refusé si un traitement est jugé non indispensable du point de vue médical, malgré l’avis du médecin concerné.

– Les coefficients de parité[1], créés pour assurer l’égalité de traitement des dépenses médicales dans les différents États membres, souffrent de défauts statistiques considérables et doivent donc être révisés afin de mieux refléter les coûts réels des traitements médicaux.

– Les coûts des soins de support et de la dépendance ne sont couverts que dans une faible mesure, ce qui entraîne des difficultés financières pour les personnes à faibles revenus/pensions. Un remboursement plus généreux de la partie non médicale des dépenses liées aux soins de soutien et à la dépendance doit être développé, y compris un risque propre qui dépend de l’incarnation/de la pension de la personne concernée.

– L’application trop restrictive des règles par le PMO doit cesser, pour laisser place à une approche plus humaine et axée sur le service, tout en restant vigilant face aux abus. En particulier, tous les traitements vitaux doivent être intégralement remboursés.

– Le RCAM devrait développer une nouvelle approche concernant la médecine préventive. Il ne suffit pas de rembourser un nombre restreint de tests. Des mesures permettant un dépistage précoce et une médecine préventive seraient également moins coûteuses que le traitement de maladies évitables.

– Le remboursement des approches médicales alternatives et non contraignantes doit être amélioré.

– Le traitement des problèmes de santé mentale devrait être amélioré.

– Les règles et procédures actuelles sont souvent difficiles à comprendre, lourdes et dépassées. Une rationalisation des règles et procédures pour les rendre plus conviviales et transparentes est inévitable. Dans ce cadre, le rôle du conseil médical doit être revu, en donnant aux membres du RCAM des droits plus forts vis-à-vis du conseil médical.

[1] Les coefficients correcteurs (lieux d’affectation) sont utilisés pour assurer l’égalité du pouvoir d’achat des rémunérations entre les différents lieux de l’Union européenne et Bruxelles. Les coefficients de correction sont calculés comme le rapport entre la « parité économique » et le taux de change par rapport à l’euro (le cas échéant). Ils fonctionnent comme un ajustement en pourcentage de la rémunération exprimée en valeur locale.

L’Union Syndicale est consciente que les propositions nécessiteront une augmentation du budget du RCAM. Pour autant que les changements apportés constituent un réel avantage pour le personnel, l’Union Syndicale est disposée à accepter que cette augmentation du budget soit couverte par une augmentation des contributions jusqu’au maximum prévu par le statut [2% du salaire de base].

Niels Bracke  

About the author

Président de l’Union Syndicale Bruxelles. Après avoir commencé sa carrière internationale au Secrétariat général du Conseil (DG Justice et affaires intérieures), il a rejoint le SEAE en 2011. Actuellement, il est détaché à temps plein auprès de l’Union Syndicale en tant que coordinateur de l’US au SEAE. En tant que membre du comité de gestion du régime commun d’assurance maladie, il traite quotidiennement des questions relatives au régime d’assurance maladie de l’UE.