La liberté d’association, un droit fondamental régulièrement violé par les administrations, est également devenue un défi quotidien pour nos collègues de l’Office européen des brevets (OEB). Les exemples de cette violation sont nombreux. L’interdiction des courriels est une pratique courante à l’OEB. Le précédent président de l’Office européen des brevets, Benoît Battistelli, était connu pour maltraiter ouvertement et systématiquement les représentants du personnel de l’OEB et pour approuver des règlements illégaux violant les droits des travailleurs. Nous ne devons pas oublier comment, à partir de 2017, l’OEB a été frappé par une vague de lettres anti-Battistelli émanant d’organisations syndicales de toute l’Europe, ainsi que par de vives critiques émanant de l’OEB lui-même. La profondeur et l’ampleur des plaintes – et la véhémence avec laquelle elles sont exprimées – reflètent le fait que, malgré de nombreuses plaintes contre la direction de l’OEB et le président en particulier, Battistelli a continué à imposer des réformes malvenues et à licencier les membres du personnel qui y résistent.
Il est intéressant de noter que le remplaçant de Battistelli, António Campinos, qui est l’actuel président de l’OEB, n’a rien réparé de ce que Battistelli avait fait ; il a en fait intensifié la défense des brevets logiciels en Europe et il fait de l’obstruction sur la question des représentants du personnel qui ont été soumis à l’expulsion syndicale par Battistelli. Cependant, le syndicat du personnel de l’Office européen des brevets (SUEPO) fait valoir ses droits sans relâche.
Il a fallu 8 ans, dont 6 ans de procédures internes longues et épuisantes, pour qu’un des droits les plus fondamentaux des employés – le droit de grève – soit finalement rétabli dans son intégralité par le Tribunal administratif de l’Organisation internationale du travail (TAOIT). Les règles injustes de l’OEB imposées par l’administration précédente et maintenues par l’actuelle sont maintenant déclarées illégales et annulées. Pendant tout ce temps, le Conseil d’administration a fermé les yeux sur ces règlements défectueux et a manqué à ses devoirs et responsabilités en tant qu’autorité de contrôle. Il convient de souligner que l’OEB – comme toute autre organisation internationale -, tout en bénéficiant d’une immunité juridictionnelle, est “…soumis aux obligations inhérentes aux droits de l’homme…”, comme le stipule la Résolution 1979 (2014) du Conseil de l’Europe.
Il est bien connu des syndicalistes que certaines institutions européennes ont fermé les yeux sur l’importance de la liberté d’association en tant que partie intégrante de la démocratie. Ce sont les droits des travailleurs qui devraient permettre aux travailleurs et aux employeurs de s’unir pour mieux protéger, non seulement leurs propres intérêts économiques, mais aussi leurs libertés civiles telles que le droit à la vie, à la sécurité, à l’intégrité et à la liberté personnelle et collective. En tant que partie intégrante de la démocratie, ce principe est crucial pour la réalisation de tous les autres principes et droits fondamentaux au travail.
Dans son livre “Défendre les travailleurs par l’intégration de l’Europe ?”, Quentin Jouan souligne le paradoxe de la réponse syndicale à l’intégration européenne. D’une part, le discours syndical est imprégné d’une profonde rhétorique de la nécessité. L’Europe intégrée est considérée comme indispensable pour pallier les insuffisances des structures nationales qui sont de moins en moins capables de résoudre les défis de leur temps, qu’ils soient structurels (concentration du capital et développement des entreprises multinationales) ou conjoncturels (crise énergétique et économique). Cette rhétorique s’accompagne d’un regret amer de la part des syndicats quant au virage trop favorable au patronat et aux multinationales que l’Europe aurait offert. Mais d’un autre côté, l’action syndicale européenne reste difficile. Les syndicats nationaux s’approprient très peu les questions européennes et se déchargent lourdement sur la Confédération européenne des syndicats (CES). L’Europe reste un objet distinct et extérieur, construit sous l’impulsion de la CES ou de la Commission et vécu avec une forte dimension nationale.
A plus petite échelle, l’Union Syndicale continue de croire que les valeurs fondamentales de l’Union européenne peuvent être atteintes en établissant un véritable dialogue avec des représentants des travailleurs librement choisis, permettant aux travailleurs et aux employeurs de mieux comprendre les problèmes de chacun et de trouver des moyens de les résoudre. La sécurité de la représentation est le fondement de l’établissement de la confiance de part et d’autre. La liberté d’association et l’exercice de la négociation collective offrent des possibilités de dialogue constructif et de résolution des conflits, ce qui permet de canaliser l’énergie vers des solutions qui profitent à l’entreprise et à la société dans son ensemble.