Au 1er septembre 2016, le Tribunal de la fonction publique a cessé d’exister. L’Union Syndicale s’était prononcée contre cette suppression, déjà lors de son congrès à Dubrovnik (lire la résolution). Nos appels et ceux de notre organisation membre EPSU-CJ n’ont pas pu empêcher cette suppression. L’Union Syndicale craint que le contentieux de la fonction publique ne soit relégué à l’arrière-plan, au Tribunal de l’Union européenne qui s’occupe principalement du contentieux économique. Aujourd’hui, malheureusement, les droits des fonctionnaires et autres agents ne peuvent être préservés que par le juge. Face à l’arbitraire des employeurs, il devient de plus en plus nécessaire de recourir à la justice. Or, la protection juridictionnelle sera affaiblie davantage par la suppression du Tribunal spécialisé.
Mais ils restent d’autres lacunes de la procédure en vigueur, qui empêchent souvent une protection efficace des droits des fonctionnaires et autres agents.
Les dépens
Depuis 2003, la partie qui perd le procès doit supporter, en règle générale, les dépens des deux parties. Déjà, un(e) collègue qui introduit un recours s’expose à une facture de son propre avocat qui peut facilement dépasser les 10.000 €. C’est la raison pour laquelle il est fortement conseillé d’être syndiqué auprès d’un syndicat sérieux qui, grâce aux cotisations de ses adhérents, réunit les compétences et les moyens pour assurer à ses affiliés une vraie assistance juridique, comme l’Union Syndicale. Mais lorsque ce(tte) collègue perd son recours, la facture de l’AIPN attaquée sera également portée à sa charge. Si l’administration attaquée fait appel à des avocats externes, la facture totale d’un recours peut facilement dépasser 25.000 €. Et on ne sait pas d’avance si l’institution recourra à des avocats externes ou non…
Cette apparente symétrie entre parties est, en fait, un déséquilibre flagrant. Les moyens d’un(e) fonctionnaire ou autre agent pris(e) individuellement n’ont rien de comparable avec les moyens d’une institution. Dans la réalité, ces règles de procédure n’ont qu’un seul effet : dissuader les collègues de l’accès à la justice, laissant ainsi libre cours à l’arbitraire des employeurs. En somme, il est financièrement avantageux pour une administration d’instaurer une pratique illégale, faisant ainsi supporter ses dépenses (par exemple, en matière de remboursement de frais de maladie) par une multitude de collègues, jusqu’au jour où elle sera condamnée dans un cas individuel. Cela aura généré, entre temps, des économies substantielles qu’au niveau de l’assurance maladie, on peut estimer à environ 20 millions d’euros par an. Sans parler des économies dans les transferts de droits à pension vers le régime de l’UE. Une bonne gestion, d’un point de vue comptable…
L’effet d’un jugement sur le contentieux de la fonction publique
Même si un(e) collègue a eu le courage de saisir la justice, de prendre en charge le risque financier énorme que cela comporte, et même si un tel recours est couronné de succès, quel est l’effet réel d’un jugement favorable ? Eh bien, la décision individuelle attaquée est alors annulée. Et puis ? L’AIPN doit prendre une nouvelle décision. On assiste de plus en plus souvent à une pratique où cette AIPN prend tout simplement la même décision, en la motivant un peu différemment. Et le tour est joué ! Les systèmes nationaux des juridictions administratives sont très hétérogènes. En Allemagne et plus récemment en France, pour ne citer que ces deux exemples, les tribunaux administratifs ne se bornent pas à annuler une décision attaquée. Le requérant peut obtenir un jugement lui donnant gain de cause sur le fond. C’est la seule manière de protéger efficacement les droits individuels ! Alors pourquoi la juridiction européenne n’applique-t-elle pas cette pratique et met à mal le contentieux de la fonction publique européenne ? Aucune disposition du traité ne l’empêche. Si la juridiction européenne tranche le différend sur le fond, cela aura un effet secondaire non négligeable : une AIPN saisie d’une réclamation devra, dès le départ, détailler tous les motifs de refus ; elle n’aura plus de deuxième chance d’inventer des nouveaux motifs de rejet après un arrêt éventuel d’annulation.
L’Union Syndicale demande une vraie réforme de la juridiction de la Fonction Publique Européenne, la rendant équitable et efficace !
- Les institutions devront toujours (sauf frais frustratoires ou vexatoires) couvrir leurs propres dépens, comme avant 2003.
- Un arrêt du Tribunal doit régler le contentieux définitivement, se substituant à la décision administrative attaquée, pour autant que cela soit par nature possible.