Une inflation élevée suscite le mécontentement de l’opinion publique, car les ménages ressentent la compression de leur budget. En Europe, la tâche de maintenir l’inflation à un niveau bas et stable est principalement confiée aux banques centrales, dont la CBE. Que signifient ces types d’inflation liés au changement climatique pour ses politiques ?
L’inflation climatique et l’inflation fossile, semblables à la montée de l’inflation que nous connaissons actuellement, sont plus difficiles à combattre car, dans leur cas, les augmentations de prix vont de pair avec des risques de ralentissement de l’activité économique, voire de récession : des prix plus élevés, en particulier pour des produits de base tels que le carburant et les produits alimentaires, sont susceptibles de réduire la production et la consommation, car les coûts de production augmentent et les budgets des ménages sont de plus en plus consacrés à ces produits de base et non à d’autres. Par conséquent, la réaction conventionnelle de la politique monétaire consistant à augmenter les taux d’intérêt pour réduire l’inflation risque d’aggraver les effets négatifs de l’inflation sur la demande et la création d’emplois et d’accroître les inégalités car, pendant les récessions, les personnes en marge du marché du travail ont tendance à souffrir davantage en termes de chômage ou de précarité de l’emploi. En outre, la hausse des taux d’intérêt pour l’ensemble de l’économie nuirait aux investissements, notamment dans les énergies renouvelables et les nouvelles technologies vertes, perpétuant ainsi les causes des trois types d’inflation liés au changement climatique.
La lutte contre la « déflation verte » ne présente pas ces risques si une banque centrale augmente les taux d’intérêt pour l’enrayer. Le défi de la « déflation verte » est de savoir comment nous pouvons intensifier les investissements de manière à ce que l’offre de matériaux utilisés pour les nouvelles technologies et les nouveaux produits verts augmente plus rapidement et corresponde à la demande. La BCE peut influer sur les conditions de financement et, par conséquent, sur l’orientation des investissements vers ces activités de deux manières. Premièrement, dans le cadre de ses programmes (Assets Purchasing Programmes), en adoptant une approche plus active pour orienter ses achats vers les activités et les entreprises qui promeuvent l’investissement dans les nouvelles technologies et les nouveaux produits verts et en écartant celles qui ne contribuent pas aux objectifs de l’UE en matière de climat. Deuxièmement, dans le cadre de son dispositif de garantie, par lequel les banques déposent des valeurs financières de haute qualité comme garantie pour recevoir des liquidités de la BCE, en modifiant les règles déterminant quelles valeurs financières sont admissibles en faveur de celles qui financent des activités véritablement vertes et en limitant les conditions dans lesquelles les valeurs financières qui contribuent au changement climatique peuvent être admises.
La BCE a conclu la révision de sa stratégie de politique monétaire en juillet dernier. Sa nouvelle stratégie (qui sera réexaminée d’ici 2025) comprend un plan d’action visant à soutenir la lutte de l’UE contre le changement climatique. La première étape dans cette direction consiste à mieux comprendre comment le changement climatique, qu’il s’agisse d’événements météorologiques extrêmes, de politiques visant à accélérer la décarbonisation et de celles visant à développer de nouvelles technologies vertes, affecte la croissance de la production et les prix, mais aussi comment il affecterait le système financier par l’intermédiaire duquel les politiques de la BCE ont un impact sur l’économie réelle. L’action de la BCE en matière de changement climatique contient des points sur l’adaptation des hypothèses et des modèles que la Banque utilise pour prévoir les évolutions macroéconomiques, sur la base desquelles ses décisions de politique économique sont prises, afin de mieux prendre en compte les effets du changement climatique et des politiques associées (par exemple, la tarification du carbone) sur ses prévisions.
En outre, dans sa nouvelle stratégie, la BCE s’est engagée à prendre plus activement en compte la durabilité environnementale des activités financées par les capitaux servant de garantie à ses opérations de crédit et/ou achetés dans le cadre des programmes d’achat d’actifs de la BCE, car elle a été confrontée à des critiques selon lesquelles ces opérations ont financé par involontaire des activités économiques qui renforcent plutôt qu’elles n’atténuent les activités défavorables au changement climatique. Bien qu’allant dans la bonne direction, ces engagements avaient été critiqués avant même que la guerre en Ukraine n’éclate, car ils étaient beaucoup trop modestes, compte tenu de l’urgence des objectifs climatiques de l’UE.