Last day at work

Last day at work

Agora #88
Pages 40 - 41

Il y a plus de 35 ans, lorsque Laurence est entrée au Secrétariat général du Conseil en suivant les traces de son père, elle n’imaginait pas qu’un jour elle quitterait définitivement son bureau avec un petit pincement au cœur.

Il y a plus de 35 ans, lorsque Laurence est entrée au Secrétariat général du Conseil en suivant les traces de son père, elle n’imaginait pas qu’un jour elle quitterait définitivement son bureau avec un petit pincement au cœur.

C’est grâce à la calculette « Pension » de l’Union Syndicale qu’elle a compris exactement à partir de quand elle aurait droit à une pension complète de 70%. Ce fut une bonne surprise.

Elle pouvait prendre sa retraite anticipée avec une pension complète avant même d’avoir 60 ans. Son père avait aussi voulu prendre une retraite anticipée, mais il y a renoncé parce que, avant 2004, c’était nettement plus défavorable. C’est la réforme négociée par l’Union Syndicale qui a amélioré les choses.

Certes, comme dans tous les États membres, l’âge normal de la retraite a progressivement augmenté, mais partir plus tôt est maintenant nettement plus facile :

  • comme Laurence a plus de 35 ans de carrière, la « pénalité » pour départ anticipé est calculée sur l’ensemble de ses droits et c’est le résultat qui est plafonné à 70% ; avant 2004, la pénalité était plus forte et s’appliquait sur une pension déjà plafonnée à 70% ;
  • elle continuera à percevoir les allocations familiales pour ses deux enfants encore à charge, qui resteront aussi couverts par notre régime d’assurance-maladie (RCAM), contrairement à ce qui se faisait avant ; c’est d’ailleurs ce qui avait dissuadé son père de prendre une retraite anticipée.

Finalement, pour Laurence, cette réforme tant décriée par les autres syndicats avait aussi beaucoup de bons côtés. Et les avancées en matière de pension ont été conservées en 2014, contrairement aux carrières. « Peut-être que si l’Union Syndicale avait réussi à mobiliser le personnel dans les autres institutions comme elle a pu le faire au Conseil, et surtout si les autres syndicats avaient suivi, il n’y aurait pas eu tous ces blocages de carrière ».

C’est grâce à la calculette «Pension» de l’Union Syndicale qu’elle a compris exactement à partir de quand elle aurait droit à une pension complète de 70%. C’est la réforme négociée par l’Union Syndicale qui a amélioré les choses.

Laurence est tirée de ses rêveries par l’arrivée de Cristian, un collègue roumain. Il est énervé parce qu’il ne sait toujours pas quand il pourra prendre sa retraite et comment elle sera calculée. Il a travaillé depuis 2006 comme agent contractuel puis comme agent temporaire avant de devenir fonctionnaire et le PMO considère qu’il est entré en service après 2014. Il a introduit un recours mais il attend toujours l’arrêt. Heureusement qu’il était membre de l’Union Syndicale, qui finance une très grosse partie de son recours, car son salaire d’AST 3 ne lui permet pas de payer les frais d’avocat, encore moins s’il est obligé d’aller en pourvoi.

« Quand on y pense, c’est peut-être sur les pensions que l’Union Syndicale a soutenu le plus de recours. Imaginez qu’avant 1984, si une fonctionnaire décédait, son conjoint survivant n’avait pas droit à une pension de survie. Le Statut parlait d’une pension de veuve, et non d’une pension de veuf.»

« L’égalité n’a été obtenue qu’en 1984, par un recours devant la Cour de Justice. Et c’est la même chose pour le transfert des droits à pension. L’Union Syndicale a dû là aussi introduire de nombreux recours pour obliger certains États membres à accepter le transfert vers notre régime et même ensuite, dans le cas de la Belgique, pour l’obliger à modifier son régime de transfert afin de le rendre conforme au Statut. »

« Même lorsque les transferts ont enfin été possibles, il a encore fallu introduire des recours pour que les droits dans certains régimes nationaux (notamment au Royaume-Uni et en Irlande) soient aussi transférés. »

« Mais j’ai lu », répond Cristian, « que certains de ces recours avaient été introduits par la Commission, qui voulait elle aussi forcer les États membres à accepter les transferts. »

« C’est vrai, mais c’est en revanche contre la Commission qu’il a fallu aller en justice pour l’obliger à rembourser aux fonctionnaires les montants qu’elle refusait de prendre en compte pour le transfert ou encore pour qu’elle accepte d’appliquer correctement les règles en matière de taux d’intérêt pour les transferts, etc. etc… »

« C’est tellement compliqué, les transferts », soupira Cristian.

« Oui, d’ailleurs Giustino s’en mord encore les doigts », lui rappela Laurence. « Il avait commencé à travailler très jeune dans son pays et il a transféré ses droits, l’équivalent de presque dix ans. Mais comme il est agent contractuel GF I, il bénéficiera de toute façon de la retraite minimale, qui sera la même que s’il n’avait pas fait le transfert. À part que, dans ce cas, il aurait aussi eu une petite pension de son pays. S’il s’était adressé à l’Union Syndicale, on l’aurait mis en garde et il n’aurait pas accepté le transfert. Mais son syndicat ne l’a pas fait et quand il a compris, il était trop tard pour réagir. »
« Il y a aussi cette fameuse règle des 5 ans de mariage », continua Laurence. « Si un fonctionnaire décède, le conjoint survivant a droit à une pension de survie s’ils étaient mariés depuis au moins un an. Mais si c’est un retraité qui décède, il faut qu’ils soient mariés depuis au moins cinq ans. Cette absurdité est également contestée par devant la Cour. »
« Et, maintenant, l’Union Syndicale se bat pour que ma date réelle d’entrée en service – et celle de centaines d’autres collègues – soit prise en compte pour le calcul », ajouta Cristian. « Tu m’a vraiment bien conseillé quand je suis arrivé dans ton service en me montrant tout ce qu’avait fait l’Union Syndicale et tout ce qu’elle pouvait encore faire pour moi. »
« Oui, on peut vraiment se demander quelle serait réellement la situation des fonctionnaires et autres agents si l’Union Syndicale n’avait pas été présente depuis cinquante ans pour les défendre, que ce soit dans les négociations ou en justice. »

Ils entendent à ce moment du brouhaha dans le couloir : les collègues et amis de Laurence qui sont venus lui souhaiter une heureuse et longue retraite commencent à arriver. Tout est prêt pour les accueillir. Et Laurence sait qu’une autre bonne nouvelle l’attend : dès demain, sa cotisation à l’Union Syndicale va diminuer de moitié. Car elle va bien entendu rester membre du syndicat.

D’abord par solidarité envers ses collègues, mais aussi et surtout parce qu’elle pourrait encore avoir besoin d’aide : allocations familiales, RCAM, adaptation des rémunérations et pensions, autant de dossiers qui continuent à la concerner personnellement et dans lesquels elle pourrait se trouver démunie face à l’administration si elle n’avait pas le soutien de l’Union Syndicale.

Félix Géradon

A propos de l’auteur

Il a été traducteur au Secrétariat Général du Conseil. Il a été de nombreuses années membre du Comité du Personnel et y a exercé différentes fonctions (secrétaire, vice-président, président) et a représenté le personnel dans plusieurs organes paritaires. Il a également été longtemps Secrétaire général adjoint de l’Union Syndicale Bruxelles. Retraité depuis 2019, il continue à participer activement à la vie de l’Union Syndicale en étant associé au Comité exécutif.