La mode de la démocratie à la Commission

La mode de la démocratie à la Commission

Agora #92
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Comment est-ce que la Commission européenne applique sa prétendue démocratie et en particulier ses relations de dialogue social avec les « corps intermédiaires »

La Commission européenne est une Institution qui est régie par le Statut. Elle essaie depuis plusieurs années, à l’instar de la société de donner l’impression à ces employés qu’elle pratique la démocratie en interne et ce malgré le fait qu’elle n’applique pas un modèle de cogestion comme ce serait le cas d’une coopérative ou les travailleurs définissent le devenir de la société. Car en effet, la Commission est un employeur mais un employeur qui comme toute organisation de sa taille et surtout avec ses responsabilités ne peut dans les faits que choisir un modèle de hiérarchie militaire directif qui est propre à toute administration depuis la création des États-Nations au 19ème siècle.

En effet, que cela plaise ou non, le bras exécutif est là pour exécuter les décisions du pouvoir législatif. Bien entendu, les règles génériques qui s’appliquent à l’environnement du travail issu de l’OIT ou de la législation européenne correspondante doivent y être appliquée ne fus-ce que parce qu’elles sont inscrites dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen reprise dans la charte des droits fondamentaux. Cependant comme préambule clair il faut rappeler que ces droits ne sont pas la tasse de thé de l’actuelle Commission comme l’USF l’a récemment exprimé dans son tract « le monologue (a)social de la Commission von der Leyen ».

Comment est-ce que la Commission européenne alors applique sa prétendue démocratie et en particulier ses relations de dialogue social avec les « corps intermédiaires » que sont les syndicats et le comité du personnel. Leur rôle formel est de veiller au grain, de demander, de dégager et de s’assurer de la mise en place de solutions aux soucis rencontré par les travailleurs. Le tract précité exprime quelques cas évidents de non-respect des règles du dialogue social qu’elle devrait pourtant garantir au regard des règles internationales. Ces manquements ont été porté à l’attention de l’EPSU et ils ont aussi fait l’objet d’une réponse de déni de la part de l’Institution elle-même. L’histoire portera son jugement de cette attitude. Il nous parait cependant intéressant de détailler plus avant les approches utilisées pour contourner le dialogue social et donner un vernis de démocratie interne. Étant conscient que ces mêmes approches sont mises en œuvre dans d’autres organisations par d’autres employeurs.

Les approches peuvent-être regroupées en trois groupes qui sont d’ailleurs souvent utilisé en combinaison :

1 – L’utilisation d’enquêtes (surveys). Elle permet d’éviter les corps intermédiaires alors que ce sont ceux par qui la consultation doit avoir lieu ou au moins qu’elle doit être entendue avec ces corps. Aucune des consultations de ces dernières années n’a obtenu l’aval des corps intermédiaires. A l’instar des mauvaises enquêtes d’opinion ou de consommateurs, leurs questions sont dirigées et formulées d’une manière qui influence le répondant. Elles sont rarement exhaustives et quand elles le sont, elle insiste beaucoup sur certains aspects et passent presque sous silence les aspects et obligation légales des sujets qu’elles abordent. Enfin, leur taux de participation effectif (le plus souvent (très) faible) est extrapolé à l’ensemble de la population concernée et elles sont souvent formulées pour faire la promotion de ce qui est bien fait et en particulier de ce qui est populaire. Cerise sur le gâteau, plusieurs de ces ‘surveys’ ont permis aux mêmes répondants de la remplir à plusieurs reprises. Quand leur sérieux sur ces points a été mise en doute, aucune réponse méthodologiquement solide n’a été fournie sauf d’exprimer « : la prochaine enquête tiendra en compte vos commentaires ». Quant aux conclusions publique qu’en tire l’administration, elle met en avant les réponses positives, qui bien entendu reprend les réponses neutres (position du répondant ni positive ni négative, donc neutre), minimise ou tait les aspects négatifs. Plus simplement, les résultats de certains surveys lancé a à grand renforts de publicité (pour augmenter la participation) ne sont apporté à l’attention du personnel.

2 – la consultation directe des équipes concernées par un aspect qui les touchent directement. Le meilleur exemple est l’aménagement des espaces bureaux d’une équipe, d’un service. Les membres de l’équipe concernées par une changement en général imposée et irréversible sont consulté individuellement à nouveau sans aucune implication des corps intermédiaires, normalement obligatoire.

3 – l’organisation des méthodes de travail, à large échelle ou à l’échelle d’un service. Par exemple décider du jour ou tout le monde sera au travail pour des réunions ou pour soutenir tout autre aspect lié au travail dans un nouvel espace bureau. Encore une fois, aucune implication ou même information des corps intermédiaires, même pas pour les entités d’une certaine taille comme une Direction Générale (plusieurs centaines de travailleurs)

Ce qui est intéressant dans les deux derniers cas est que les législations nationales et internationales sont très claires sur les obligations de l’employeur et en particulier celles préalable à leur mise en place. En effet, l’employeur doit avant tout se conformer à une analyse de risque. Analyse qui en général est inexistante, voire existe mais n’est pas à jour ou se limite à deux feuillets de considérations générales. Enfin quand il s’agit de faire le point sur les changements, notre employeur fait des ‘100 days assessement’ tout aussi laconique et élastique.

Comme nous l’avons exprimé en préambule et il faut en être conscient, tout ceci dénote aussi d’un phénomène de mode. La démocratie participative fleuri dans chaque États-Membres, au niveau européen et notablement aussi sur les réseaux sociaux organisés. Ce phénomène est celui ou on veut donner à chacun le sentiment que même s’il ne choisit pas, il est entendu et il peut avoir une influence sur le cours des choses. En cela, la démocratie étant le système le moins imparfait qu’il soit, fourni bien à la majorité ce sentiment. Il faut l’avouer, ce phénomène accompagne la démocratie depuis sa création mais n’est pas une preuve de démocratie en tant que telle.

Cependant aucune des approches précitées ne peut intrinsèquement se parer d’être démocratique. En effet la démocratie désigne au-delà d’un système politique dans lequel le peuple est souverain, un système de valeurs qui est complètement en défaut ici. Alexis de Tocqueville, définissait d’ailleurs la démocratie plus aux dimensions culturelles et psychologiques qu’au système politique en lui-même.

Mais alors à quoi servent ces approches ? A remplir des ‘to do lists’ probablement et certainement à gagner du temps et à donner ce sentiment, ce vernis de démocratie. Entretemps ; comme nous l’avons exprimé, les corps intermédiaires perdent de leur crédibilité et viendra vite le temps ou on se demandera à quoi ils servent. C’est d’ailleurs peut-être un des buts recherchés. Nous retournerons alors dans un âge sombre avec des petites baronnies avec l’espoir que si cela arrive, des temps meilleurs seront au rendez-vous car la démocratie est dans notre culture et certainement dans celle de l’USF.

Arty KYRAMARIOS

A PROPOS DE L’AUTEUR

Président USF-Luxembourg 2024 – présent