Démocratie au travail = démocratie dans le pays
Ce qui est vrai au niveau individuel semble l’être également au niveau national. Mon collègue Sigurt Vitols a mis au point un indice transnational appelé Indice de participation européen (IPE). Il mesure essentiellement le degré de démocratie sur le lieu de travail au niveau national. À ce titre, il combine des mesures telles que le taux de syndicalisation, la couverture des négociations collectives, la représentation des travailleurs dans les entreprises et la représentation des travailleurs dans les conseils d’administration des entreprises.
Les recherches effectuées à l’aide de cet indice révèlent au moins deux observations intéressantes. Premièrement, il existe une très forte corrélation entre cette mesure et ce que l’on appelle l’« indice de démocratie » développé par l’économiste. Ce second indice ne s’intéresse pas du tout au lieu de travail, mais se concentre sur la démocratie politique et tente de mesurer des éléments tels que la liberté et le pluralisme électoraux, les libertés civiles, le bon fonctionnement du gouvernement, la participation politique et la culture.
La corrélation montre que les pays dotés d’une forte démocratie sur le lieu de travail semblent également avoir de solides démocraties politiques, avec des élections justes et libres et un taux de participation élevé.
Cependant, la deuxième observation de l’indice de participation européen est moins positive. Au fil des ans, la démocratie sur le lieu de travail en Europe a été soumise à une pression constante. Relativement moins de travailleurs sont membres de syndicats, moins de personnes sont couvertes par des conventions collectives et de plus en plus d’entreprises tentent de tenir le syndicat ou le comité d’entreprise à l’écart.
Une évolution sombre, non seulement pour les travailleurs, mais aussi pour nos sociétés démocratiques dans leur ensemble !
Le courant passe dans l’UE ?
Mais peut-être le courant est-il en train de passer ? L’Union européenne n’est-elle pas en train de changer de cap avec des directives telles que celle sur les salaires minimums adéquats, les plates-formes de travail, la diligence raisonnable et les projets de comités d’entreprise européens ?
En effet, après des décennies de destruction délibérée de la démocratie au travail, il semblerait que ce soit le cas. Pour la première fois dans l’histoire (pour autant que je sache), les fonctionnaires et les partenaires sociaux de la plupart des pays de l’UE devront envisager des plans d’action visant à promouvoir les négociations collectives. Une occasion sans précédent de restaurer la démocratie au travail.
Mais il y a deux mises en garde. La première est d’ordre procédural et politique. La directive sur le salaire minimum est un engagement d’effort, pas de résultat. Les pays sont tenus de promouvoir la négociation collective, mais si leurs plans ne sont pas efficaces, ils n’ont que peu ou pas d’influence.
La seconde est liée au thème de cet article, à savoir la valeur de la démocratie au travail pour nos sociétés démocratiques. Dans ses considérants, la directive justifie ses interventions en tant que telles, en se référant à la valeur de la négociation collective pour les travailleurs et les employeurs, pour créer des conditions de concurrence équitables, pour réduire la pauvreté au travail, etc.
Ce qui manque, c’est un plaidoyer en faveur de la démocratie au travail (et de la négociation collective) pour le bien de la démocratie. L’idée qu’il est non seulement utile, mais aussi simplement juste et logique, que les travailleurs participent à la gouvernance des entreprises, des secteurs et des économies est largement absente.