Diversité et inclusion

Diversité et inclusion

Agora #93
6-9

Nous avons besoin de diversité puisque nous avons besoin d’autant d’équilibre que de déséquilibre pour évoluer tout au long de notre vie, y compris au long de notre vie professionnelle.

Diversité et inclusion
Ou la marche d’un funambule sur une corde flottante

Homme… Femme… Jeune… Vieux… Européen … Asiatique… Francophone… Lusophone… Citadin… Villageois… Noir… Blanc… Riche… Pauvre… Célibataire… Marié… Musulman… Chrétien… voici quelques-unes des boites bien connues jusqu’ici, et dans lesquelles nous pouvons enfermer les êtres humains. Mais prenez garde, une fois la boite créée, on peut facilement l’ouvrir et la fermer pour y déposer soigneusement les êtres humains que nous côtoyons. Quel jeu dangereux… à l’opposé de l’intention : l’inclusion !

DIVERSITÉ ET INCLUSION – LA LETTRE

Le terme « diversité » vient du latin « diversus », qui signifie « différent » ou « séparé ». Au fil du temps, le mot a évolué pour décrire la variété et la disparité dans divers contextes. Elle est vue comme un concept qui englobe les différences entre les individus, qu’elles soient d’ordre culturelles, ethniques, sociales, économiques, religieuses, générationnelles, de genre, d’orientation sexuelle ou autres.

Le terme « inclusion », quant à lui, vient du latin « includere », qui signifie « mettre dans » ou « comprendre ». L’idée de base de l’inclusion est celle d’inclure ou d’intégrer des individus ou des groupes dans un ensemble plus large, que ce soit une communauté, une organisation, une société, un système ou un processus.

UNE TENDANCE TOUTE NATURELLE DE L’HUMANITÉ

Je ne suis pas spécialiste mais osons l’utilisation de deux concepts adaptés au besoin de la démonstration qui suit. Les notions d’entropie et de néguentropie, issus de la thermodynamique et de la théorie de l’information[1], ont également été adaptés en sciences sociales[2] pour décrire et analyser les systèmes sociaux.

Entropie :

La néguentropie est le contraire de l’entropie et représente l’ordre, la structure, la prédictibilité et la simplicité dans un système social. Elle décrit la tendance à la hiérarchisation, à  la régulation et à la stabilisation d’un système à travers des règles, des normes et des institutions. Dans une société où ces éléments sont bien définis et stables, la néguentropie est élevée.

Néguentropie:

L’idée d’entropie et de néguentropie présente un intérêt significatif dans le contexte humain et sociétal, car elle reflète le parcours du funambule sur un fil instable. Dans cette analogie, le funambule symbolise l’équilibre de l’individu et de la société, oscillant entre entropie et néguentropie. La vie humaine peut ainsi être perçue comme oscillant de la même manière entre une recherche d’équilibre et de stabilité dans un environnement incertain, ou celle de déséquilibre quand l’environnement est trop prévisible.

Lorsqu’un environnement est trop stable, les êtres humains peuvent se lasser de la routine et rechercher activement de nouveaux défis pour maintenir leur intérêt. À l’inverse, lorsqu’un environnement est trop instable ou déséquilibré, les individus ont tendance à chercher à l’organiser et à le rendre prévisible afin de favoriser leur bien-être et leur épanouissement. Cette tension entre entropie et néguentropie est donc un moteur fondamental de l’évolution et du progrès humain, tant au niveau individuel que collectif.

La diversité peut être considérée comme une source d’entropie, car elle introduit des différences et des variations dans un système, ce qui peut parfois perturber l’équilibre et la stabilité. Toutefois, cette diversité est essentielle pour favoriser l’innovation, l’adaptation et la résilience face aux
changements.

D’un autre côté, la quête de néguentropie, qui vise à maintenir un certain niveau d’ordre et de contrôle, peut parfois conduire à la standardisation et à l’uniformisation, ce qui limite la diversité et peut restreindre la capacité d’adaptation d’un système. Il est donc important de trouver un équilibre entre ces deux concepts pour tirer profit des avantages de la diversité tout en gérant les défis qu’elle présente.

Cela implique de reconnaître et valoriser les différences, tout en développant des mécanismes de dialogue et de coopération pour gérer les conflits et les tensions qui peuvent émerger. Cela implique également de ne pas craindre le conflit (qui est différent de la violence) mais de l’envisager plutôt comme une étape nécessaire à l’inclusion. Dans cette perspective,
l’équilibre entre entropie et néguentropie devient un défi majeur pour les individus et les sociétés, qui cherchent à concilier diversité et cohésion sociale.

[1] Introduit en 1850 par Rudolf Clausius, physicien, et repris en 1948 par Claude Shannon, ingénieur en génie électrique. https://fr.wikipedia.org/wiki/Entropie et https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9guentropie

[2] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Auto-organisation

DANS UNE RELATION À L’AUTRE

La diversité est vécue et expérimentée à travers les interactions et les relations interpersonnelles. Dans une société ou un groupe diversifié, les individus sont amenés à interagir avec des personnes ayant des origines, des cultures, des croyances, des expériences et des perspectives différentes des leurs. Ces interactions permettent de créer des échanges riches et stimulants, mais elles peuvent également être source de tensions et de défis.

La relation à l’autre est donc un terrain d’expression privilégié de la diversité, qui peut être à la fois enrichissante et complexe. Il est essentiel de développer des compétences relationnelles pour mieux comprendre et apprécier la diversité, et ainsi favoriser, répétons-le, la cohésion sociale et le vivre- ensemble. Ces compétences incluent la bienveillance, l’ouverture d’esprit, l’empathie, la communication et la capacité à gérer les désaccords et les conflits.

ENVIRONNEMENT ET CULTURE PROPRE À L’ACCUEIL DE LA DIVERSITÉ

L’environnement et la culture propres à l’accueil de la diversité sont des éléments-clés pour créer un espace où les individus se sentent inclus et valorisés.

Voici quelques éléments qui contribuent à créer un environnement et une culture propres à l’accueil de la diversité :

  •  Culture d’accueil : Une culture d’accueil est un ensemble de valeurs, de normes et de pratiques qui favorisent l’intégration et le sentiment d’appartenance des individus issus de divers horizons. Il s’agira, par exemple, d’un accueil chaleureux, du respect, de l’écoute active et de la communication ouverte, de flexibilité, d’accompagnement ou de mesures d’adaptation de l’environnement. Ceci favorise la confiance. Quelques exemples de pratiques qui peuvent aider à créer une culture d’accueil sont les évènements de bienvenue, des espaces de discussion, du mentorat, des services de soutien ou des services formés à l’adaptation de l’environnement de travail aux besoins spécifiques.
  • Langues et communication : elles sont incontournables pour créer un environnement et une culture d’accueil. Elles permettent l’accès à l’information, la compréhension mutuelle, l’intégration sociale, et l’élimination des barrières. Un exemple de bonne pratique en la matière : La traduction de toutes les sources d’information dans toutes les langues. Ici, je pense particulièrement aux différentes publications sur les sites intranets de l’Institution dans laquelle je travaille. Elles se limitent à certaines langues. Ces sources sont pourtant primordiales : elles permettent l’adaptation aux normes administratives au sein de l’Institution (y compris les droits et les devoirs). Comment est-il possible qu’avec les technologies actuelles, toutes ces publications ne soient faites qu’en anglais, avec, ici ou là, une traduction française ou allemande dans le meilleur des cas ? Nous devons aussi intégrer en ce sens les besoins spécifiques des personnes en situation de handicap.
  • Formation et sensibilisation : La formation et la sensibilisation aux qualités inclusives peuvent aider à créer une culture accueillante (y compris la formation linguistique étendue). Par qualités inclusives, j’entends celle décrites plus haut dans la culture d’accueil, à savoir l’accueil chaleureux, le respect, l’écoute active et la communication ouverte, la flexibilité et la relation d’accompagnement. Il est aussi important de développer des qualités de gestion de conflit (sans craindre celui-ci) ainsi que la communication non violente.
  • Leadership engagé : un leadership engagé dans l’accueil de la diversité et de l’inclusion peut aider à créer un environnement plus accueillant et à promouvoir la culture inclusive.

LES STATISTIQUES OU LE DANGER DE COMPTABILISER LA DIVERSITÉ

Connaissez-vous cette formule consacrée et tellement appréciée des personnes racisées : « je ne suis pas raciste, j’ai un ami noir » ? Elle est souvent utilisée pour essayer de prouver que l’on n’est pas raciste, mais en réalité, elle ne fait que montrer que l’on a une compréhension très limitée de ce que signifie être raciste.

De même, lorsque les organisations ou les individus utilisent la diversité comme un élément de marketing ou de communication sans vraiment comprendre les enjeux et les besoins des « personnes issues de la diversité »[1], cela peut être perçu comme une forme de « diversité de façade » ou de « diversité symbolique ».

Cela revient à dire que la diversité est importante, mais uniquement pour les besoins de l’image de l’organisation ou de l’individu, plutôt que pour vraiment comprendre et répondre aux besoins des « personnes issues de la diversité ».

Il est important de reconnaître que la diversité est une réalité complexe et multifacette qui nécessite une compréhension profonde et une action concrète pour être vraiment efficace. Il ne suffit pas de simplement afficher des symboles de diversité, de les comptabiliser (sommes-nous devenu du bétail ?) ou de faire des déclarations vides de sens pour être considéré comme une organisation diversifiée.

Il faut plutôt prendre des mesures concrètes pour créer un environnement inclusif et accueillant pour les êtres humains, en écoutant leurs besoins et leurs préoccupations, en les impliquant dans les processus de décision et en prenant des actions pour lutter contre les discriminations et les inégalités.

 

[1] Le concept de « personne issue de la diversité » est pour moi un terme choquant. Il n’est utilisé que dans cette section-ci pour amplifier l’absurdité de considérer certains êtres humains comme étant « issus » de la diversité (comme un résultat d’une équation dont les variables ne seraient pas communes ?). Je lui préfère de loin le terme tout simple d’être humain.

TROP TARD : LA DIVERSITÉ = CES FAMEUSES PETITES BOITES

Quelle tristesse de constater que lorsqu’on parle de diversité, les êtres humains ne deviennent plus qu’une série de variables mises ensemble, une sorte de méticuleuse potion magique jetée dans un chaudron de diversité… Que je sois homme ou femme, bouddhiste ou laïc, blanc ou noir … Cochez vos cases tant que vous voulez. Vous n’avez aucune idée de la diversité, de la richesse, qui est en moi. Pourquoi ? Il n’y a plus d’humanité dans vos boites.

Afin d’écrire cet article, nous avions lancé un appel à témoigner. Je suis persuadée que le témoignage contribue au fait de connaitre la diversité, la richesse des êtres humains qui font partie d’une entreprise, d’une société, d’une organisation, peu importe.

Permettez-moi de vous partager uniquement l’un d’entre eux. Celui-ci se trouve en dehors des cases désormais communément admises (telles que celles évoquées plus haut), et est choisi à dessein pour démontrer le propos:

“Je me souviens très bien de l’arrestation d’un garçon avec qui j’étais très proche au collège (11-13 ans). Cela faisait déjà quelques années que je ne le voyais plus dans mon quartier, j’étais beaucoup moins proche de lui. Je suis allé au lycée, puis à l’université. Il n’a pas terminé ses études secondaires et a fini par vendre de l’ecstasy, puis de la cocaïne. Il a été arrêté pour cela.

Je me souviens aussi très bien de l’arrestation dans le gymnase d’un garçon que j’avais vu quelques jours plus tôt, qui a été poignardé à mort devant un bar à une centaine de mètres de là. Un type bien qui s’était mis en travers de la route de mauvaises personnes. Et j’ai vu beaucoup d’autres histoires similaires impliquant des gens proches de moi.

C’est cette diversité que je porte en moi, dans mon esprit et dans mon cœur. Je suis différent de la plupart des collègues que j’ai eu le plaisir de rencontrer au cours de mes 12 années au sein des Institutions Européennes. Certains sont déjà des «fonctionnaires européens de deuxième génération», c’est-à-dire des fils et des filles de fonctionnaires européens. Beaucoup ont étudié dans des institutions académiques prestigieuses et, dans leurs histoires, ils ont un parent qui est avocat, médecin, ingénieur, professeur. Mes parents aimants et soutenants travaillaient comme forgeron et salarié à la cantine de l’usine FIAT.

C’est une diversité dont on ne parle pas beaucoup : venir d’un milieu socio-économique défavorisé. Elle est  moins «charmante» que d’autres diversités, et moins « politique». Ou peut-être est-elle «trop politique» pour être évoquée aux plus hauts niveaux de la société. Je me suis souvent retrouvé seul à lutter contre le poids de cette diversité. Je dois dire que le combat est intérieur, dans mon esprit, car je n’ai jamais eu le sentiment d’être méprisé par aucun collègue à cause de mon origine. Même si, ici où là, j’ai entendu des remarques très classistes (qui ne m’étaient pas adressées).

Quand je regarde des collègues qui ont gravi les échelons de l’entreprise, je pense toujours que même si je n’ai pas atteint leur hauteur, j’ai probablement fait plus d’échelons qu’eux. Je pense que nous courons tous un marathon, mais certains participants ne participent à la course qu’au 15e kilomètre, d’autres même au 30e kilomètre.

Travailler pour les Institutions Européennes a changé ma vie et celle de mes enfants, en me donnant une formidable opportunité de faire un grand saut socio-économique.

J’aimerais aller dans les périphéries de l’Europe et dire à ces jeunes qui travaillent dur et qui ne voient pas beaucoup d’opportunités autour d’eux qu’il est possible de trouver la justice sociale. Il est possible d’améliorer sa vie, de travailler avec des gens formidables pour un grand projet comme l’Union européenne, et de contribuer soi-même à faire une différence dans la vie de nombreux citoyens de l’UE et au-delà. Les difficultés peuvent créer de la force et de la résilience. C’EST possible !”

Ce témoignage me laisse sans voix à chaque lecture ! Je suis gagné par cette même sorte de stupéfaction que celle ressentie lorsqu’une œuvre d’art me touche profondément.

En conclusion

Nous avons besoin de diversité puisque nous avons besoin d’autant d’équilibre que de déséquilibre pour évoluer tout au long de notre vie, y compris au long de notre vie professionnelle. La comptabiliser rend la diversité discriminante plus qu’inclusive et est dénuée de l’Humanité nécessaire à la société en générale. Mieux vaut valoriser des processus ou moyens de gérer la diversité que d’en faire un résultat à atteindre, un autre KPI[1]. Tout se joue au niveau de l’environnement et la culture propre à l’accueil de la diversité. Celle-ci est une invitation à être curieux et ouvert aux différences, à chercher activement la richesse qu’une personne peut être et à intégrer cette attitude de saine curiosité et d’ouverture dans tous les aspects de sa vie, tant professionnels que personnels., . Tout se joue au niveau de l’environnement et la culture propre à l’accueil de la diversité. Celle-ci est une invitation à être curieux et ouvert aux différences, à chercher activement la richesse qu’une personne peut être et à intégrer cette attitude dans tous les aspects de sa vie, tant professionnels que personnels.

 

[1] KPI = Key Performance Indicator ou un indicateur-clé de performance.

 

Cet article a été produit grâce à l’assistance de l’outil d’Intelligence Artificielle générative Nous Hermes Mixtral (consultation octobre et novembre 2024).

J. L

A PROPOS DE L’AUTEUR

J.L. sont les initiales d’un auteur anonyme, en service à la Commission européenne depuis fin des années 2000 (et adhérent à l’Union Syndicale Bruxelles depuis la première moitié des années 2010). Il ne souhaite pas que son nom soit cité et nous respectons son choix.