Bureau partagé au bâtiment The One

Bureau partagé au bâtiment The One

Agora #87
28-31

Pour certains, le bureau était l’endroit tranquille, pour d’autres, leur bureau à domicile silencieux représentait l’isolement.

L’année dernière, la Commission a déménagé plusieurs de ses services dans le tout nouveau bâtiment appelé « The One ». Situé dans la rue de la Loi à Bruxelles, à côté de la station de métro Maelbeek et de la gare Schuman, le bâtiment présente une architecture intéressante avec l’utilisation de panneaux noirs et blancs de différentes tailles. À l’intérieur de celui-ci, l’espace de bureaux a été aménagé pour répondre à la politique des nouveaux bâtiments de l’Office pour les infrastructures et la logistique à Bruxelles (OIB). Leur objectif ? Réduire de 50 % l’espace de bureau de la Commission par l’introduction du hot-desking et l’augmentation du télétravail.

En mars 2021, le personnel du service informatique de la Commission, la DIGIT, a été le premier à occuper le bâtiment, suivi en juin par le personnel de la DG RH, puis par l’interprétation (SCIC) et le u bureau de Sélection (EPSO). En septembre 2021, le personnel a été « invité » à revenir au bureau plusieurs jours par semaine.

Je suis allée à la rencontre de collègues de ces services pour recueillir leurs impressions sur les nouvelles conditions et règles de travail dans le bâtiment « The One ».

1. Comment vous a-t-on présenté le déménagement dans le bâtiment « The One » ? 

Marie : Le déménagement nous a été annoncé comme obligatoire. Nous devions quitter le bâtiment existant, en raison de la cessation du bail par le promoteur. En outre, il nous a été indiqué que nous passions en hot-desking, en raison de la volonté du personnel de travailler en partie en télétravail, une mesure appréciée à cause du COVID. Le bâtiment « The One », situé à la rue de la Loi, n’a pas fait l’objet de concertation au comité paritaire pour la prévention à la Commission (CPPT). C’était pourtant une obligation. Il n’y a pas eu d’analyse de risque au préalable ; le dossier sera présenté au CPPT, 100 jours après la reprise de l’occupation en taux plein.

Ana : Le déménagement au bâtiment « The One » a été annoncé au personnel fin février/début mars 2021 par la directrice. Après l’annonce, des messages ont suivi afin de préparer le déménagement en soi. Des photos ont également été publiées dans l’intranet d’EPSO. Le déménagement a eu lieu en juillet 2021.

Sam : Il a été présenté lors de réunions régulières organisées par le directeur général, au cours desquelles le personnel pouvait poser des questions et faire des commentaires en direct (sur Teams).  Le contrat de location de deux bâtiments occupés par la DG RH à la rue Montoyer et la rue de la Science (MO34 et SC11) arrivait à échéance.  Conformément au « Green Deal » européen et au projet « Greening the Commission », tous les bureaux de la Commission vont s’installer dans un environnement plus vert et économique en terme d’ énergie, avec pour objectif la neutralité carbone d’ici 2030. Le bâtiment « The One » a été conçu comme un bâtiment « durable ».

2. Comment imaginiez-vous votre travail dans le bâtiment avant d’y emménager et quelles ont été vos premières impressions ?

Marie : J’ai eu la chance de participer aux visites de l’OIB. Lors de cette visite, j’ai pu constater que le format était imposé par l’OIB sans concertation avec le personnel. Tout y était uniforme, sans que les responsables se préoccupent des besoins spécifiques à chaque unité. Par la suite, ces besoins ont été  rencontrés ; mais pas complètement. Cette absence de prise en compte des besoins du personnel conduit à l’heure actuelle à du stress. C’était un copier/coller des open spaces de l’OIB d’il y a sept ou huit ans. Les espaces n’ont pas été adaptés aux besoins d’un environnement réel de travail hybride. Un stéréotype qui ne laisse pas de place suffisante aux gens (la question d’une prévision inadaptée du taux d’occupation se pose).

Ana : Le fait de devoir travailler dans « The One » m’inquiétait, car je considérais que le système d’espace ouvert ne présente pas les meilleures conditions pour un travail qui demande minutie, soin et attention. En outre, en termes de confidentialité et discrétion, cela ne me semblait pas l’idéal non plus. Dans la pratique, je ne peux pas dire que j’ai vraiment emménagé à « The One » au vu de la situation COVID. Toutefois, je suis allée travailler dans le bâtiment à deux reprises et j’y suis allée à d’autres occasions pour y déposer des documents.

En termes d’aménagement, l’espace correspond à ce que je m’attendais à voir : des nouveaux meubles dans un grand espace. Les espaces ouverts sont longs et pas très larges avec des cloisons amovibles. Pour travailler, ce n’est vraiment pas idéal. Bien sûr, il est possible de se rendre dans une « silent room » si on veut travailler au calme ou si on a une réunion en visioconférence prévue. Cependant, dans l’espace ouvert, le travail est perturbé par les collègues qui parlent au téléphone, parlent entre eux ou encore par le passage de collègues (il faudra arriver tôt pour avoir un bon emplacement !). Lors de mes visites, j’ai croisé deux ou trois collègues qui travaillaient sur place. Évidemment, vu qu’il n’y avait pas grand monde, l’ambiance était calme. Mais il a suffi qu’une collègue parle au téléphone pour devoir remettre le casque (à utiliser absolument en espace ouvert !) pour affaiblir le bruit. Il faut noter que la plupart des personnes ont tendance à parler plus fort quand ils utilisent leur casque. Quand l’occupation deviendra plus régulière, il sera très difficile de se concentrer.

Sam : Le personnel a pu faire une visite virtuelle de « The One ».  J’ai travaillé dans des bureaux en aire ouverte pendant de nombreuses années dans le secteur privé (avant de rejoindre la Commission) et j’avais donc une bonne idée basée sur cette expérience. Mes premières impressions ont été positives. « The One » est lumineux, propre et bien conçu.  Tous les meubles et appareils sont neufs et nettoyés régulièrement. Les salles de réunion sont équipées d’une technologie de pointe, permettant des réunions hybrides efficaces. La cafétéria offre une vue panoramique sur Bruxelles.

3. Comment intégrez-vous les nouveaux arrivants dans votre équipe au sein du bâtiment « The One » ?

Marie : Je ne peux malheureusement pas y répondre. L’intégration s’est faite à distance pendant toute la période du COVID. Les nouveaux arrivants devront se plier au travail hybride comme nous tous.

Sam : Jusqu’à présent, mon équipe n’a pas encore accueilli de nouveaux collègues.

4. Comment comparez-vous votre travail dans le bâtiment « The One » par rapport à celui effectué dans votre ancien bureau ?

Marie : J’ai eu la chance d’occuper un open-space que nous avions conçu avec l’OIB. Les espaces correspondaient à l’activité de l’équipe. Le mobilier était adapté et permettaient une grande flexibilité.

Ana : Pour ce qui est du travail dans « The One », de ce que j’ai pu constater, il n’y a pas de comparaison possible ! Je pense que dès que l’occupation des bureaux sera régulière, très vite les répercussions de cette nouvelle façon de travailler seront visibles. Les membres de jury permanents d’EPSO se sont vu attribuer des bureaux dans le bâtiment Van Maerlant 18, ce qui nous permet de travailler dans de bonnes conditions et de ne pas appréhender un retour régulier au bureau.

Sam : Je préfère « The one » au MO34 et SC11, que je trouve très anciens.

5. Quels aspects du nouveau bureau constituent un avantage qui, selon vous, pourrait être reproduit ailleurs ?

Marie : Les concepts des espaces selon le type d’activité, sous réserve que l’on travaille véritablement en équipe.

Ana : Ce type d’aménagement de bureau fonctionne bien pour certains types de services où l’échange et le partage d’expérience/information est essentiel. Cela existe déjà ailleurs et, je pense, cela fonctionne bien.

Sam : Les chefs d’unité n’ont pas leur propre bureau, les managers semblent donc plus accessibles à leur personnel et les échanges avec eux sont moins formels qu’auparavant. Il est plus facile de parler aux collègues de son équipe directe, car nous sommes tous dans le même « pod » (auparavant, nous étions dans nos propres bureaux). La préparation du déménagement au sein de la DG RH a bien été réalisée, avec des consultations régulières et une approche proactive de résolution des problèmes.

6. Quels sont les aspects qui fonctionnent moins bien ?

Marie : Les difficultés de gestion des espaces qui vont avoir lieu sans aucun doute (sur le site de la DG RH figure déjà l’annonce que les salles de réunion serviront de buffer en cas d’un trop grand nombre de personnes), les espaces communs (les douches, les vestiaires communs, les accès aux parkings vélos) ne sont pas conformes aux règles sur la santé et la sécurité au travail ; les tables élévatrices sont en nombre insuffisant. Il semble qu’il n’y avait pas de médecin du travail pour donner un avis et des conseils pour l’aménagement.

Ana : L’espace ouvert ne fonctionne pas bien pour les fonctions où un individu doit exécuter un travail minutieux tout en faisant attention à être discret et à préserver la confidentialité des dossiers. Cela peut vraiment constituer une source de stress et être la cause d’erreurs.

Sam : Les ascenseurs sont lents et il faut environ 10 minutes pour atteindre les étages supérieurs depuis le rez-de-chaussée. Comme nous apportons notre propre ordinateur portable au bureau le matin, la connexion prend un peu plus de temps que dans le bâtiment précédent. Le personnel des autres équipes ou des pods fait attention à ne pas déranger les autres ou à ne pas faire de bruit, donc les gens parlent à voix basse par respect. Avec le temps, nous devrions être plus à l’aise les uns avec les autres.

7. Le nouveau bureau vous incite-t-il à venir sur place ou à faire du télétravail ?

Marie : Ce n’est pas comme cela qu’il faut envisager les choses malheureusement.

Ana : C’est évident que si je n’avais pas la possibilité de travailler au Van Maerlant, j’éviterais le plus possible de revenir au bureau.

Sam : En général, j’ai une préférence pour le télétravail, mais j’aime me rendre dans le nouveau bureau pour voir mes collègues et travailler ensemble sur des projets d’équipe. Le déjeuner à la cantine du Berlaymont (en face) est devenu un rendez-vous régulier.

8. Est-ce que vous avez d’autres remarques ?

Sam : Je donnerais les conseils suivants au personnel qui appréhende le déménagement vers un bureau dynamique: n’y pensez pas trop. Il est normal d’être nerveux au début, mais le fait que tous les membres de la DG déménagent donne au personnel (et à la direction) la possibilité d’en faire une réussite collective.  N’ayez pas peur d’exprimer vos préoccupations, mais en même temps, essayez de voir cela comme une opportunité de travailler différemment et de manière plus collaborative.

Au cours des deux dernières années de règles relatives aux coronavirus, nous nous sommes adaptés au télétravail. Pour certains, le bureau était l’endroit tranquille, loin de la famille, où ils pouvaient se concentrer. Pour d’autres, leur bureau à domicile silencieux représentait l’isolement, ce qui n’était pas toujours le bienvenu. Avec la fin des règles sur le coronavirus en vue et la myriade de changements dans nos pratiques et attentes de travail, une chose est claire : toute modification des conditions de travail doit faire l’objet d’une discussion approfondie et être préparée longtemps à l’avance avec le personnel afin de trouver les meilleures solutions pour l’ensemble des collaborateurs et leurs équipes. L’implication et l’appropriation du personnel sont la clé d’un changement réussi.

Alors que plusieurs services horizontaux sont réunis au sein de « The One » et que le nouveau bâtiment est présenté comme l’exemple de la voie à suivre pour la Commission, je me souviens du dixième fragment d’Héraclite : « l’un est constitué de toutes choses, et toutes choses proviennent de l’un » (ἐκ πάντων ἓν καὶ ἐξ ἑνὸς πάντα).

Frances McFadden

A PROPOS DE L’AUTEUR

Frances est une AST qui a travaillé dans différents domaines du Conseil de l’Union européenne depuis son arrivée en 2000, notamment dans les relations extérieures, la formation et l’informatique. Elle est actuellement présidente du comité du personnel.