Une brève histoire de l’USOEB

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Une brève histoire de l’USOEB

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Agora #88
Pages 46 - 49

L’USOEB (Union Syndicale de l’Office Européen des Brevets) est née en 1979 du Syndicat du Personnel de l’Institut International des Brevets (SP- IIB) fondé en 1969, à la suite de la création de l’Office Européen des Brevets (OEB) en 1977, et la fusion de l’IIB avec l’OEB.

L’USOEB (Union Syndicale de l’Office Européen des Brevets) est née en 1979 du Syndicat du Personnel de l’Institut International des Brevets (SP- IIB) fondé en 1969, à la suite de la création de l’Office Européen des Brevets (OEB) en 1977, et la fusion de l’IIB avec l’OEB.

En accord avec son Statut de 1979, l’OEB comprend quatre sections locales, dans ses quatre sites: Munich, La Haye, Berlin et Vienne. Un congrès, un bureau central et une commission aux comptes constituent ses organes centraux. Malgré l’existence de ces organes centraux, les sections locales jouissent d’une large autonomie et peuvent être considérées comme des entités quasi indépendantes. Certaines d’entre elles ont un statut légal en vertu du droit national correspondant, comme l’USOEB La Haye en droit Néerlandais.

Comme son acronyme l’indique clairement, l’USOEB fut créée avec l’intention d’être une branche de l’USF. Actuellement deux des sections locales de l’USOEB, celles de La Haye et de Berlin, sont affiliées à l’USF. L’USOEB Munich était aussi affiliée à l’USF dans le passé. Aujourd’hui, l’USOEB est de loin le plus grand syndicat de l’OEB et environ 40% des employés de l’OEB en sont membres.

Comme pour d’autres syndicats dans les organisations internationales, l’USOEB est impliquée avec des questions qui vont bien au-delà des enjeux des syndicats opérant au niveau national.

Les objectifs déclarés de l’USOEB sont principalement « … de défendre les intérêts de toutes les personnes, employées ou ayant été employées par l’OEB, et de leurs ayants droit en veillant notamment à l’amélioration des conditions d’emploi … » et « … de veiller au respect des droits de leur personne… » (cf. statut, Article 2). Ces objectifs peuvent se résumer de la façon suivante : « représenter et défendre les intérêt des employés ».

Ceci est sûrement quelque chose que l’on peut s’attendre de la part d’un syndicat. Dans le jargon of the EPO, on dirait que ces objectifs ne sont ni nouveaux, ni inventifs pour un syndicat…

« Il y a une différence d’approche fondamentale entre les syndicats et le management.
Le management prend des décisions basées sur des gains à court terme tandis que les syndicats pensent sur le long terme. »

Cependant le statut de l’USOEB indique aussi d’autres objectifs, nommément : « … de participer à l’accomplissement des buts de l’OEB et d’aider à son fonctionnement, de sauvegarder l’indépendance des fonctionnaires de l’OEB en tant que fonctionnaires internationaux. » (cf. statut, Article 2). Ces objectifs ne sont pas nécessairement ce que l’on pourrait s’attendre d’un syndicat. Les raisons pour lesquelles ils sont indiqués dans le statut de l’USOEB sont probablement liées au statut juridique de l’USOEB, une entité quasi-juridique dans un vide juridique. L’aspect quasi-juridique est évidemment lié au fait d’octroyer (ou refuser) des brevets, ou pour être plus précis de donner le feu vert aux offices nationaux pour les octroyer.

Le vide juridique est lié à la gouvernance de l’OEB ou aux manques ou défauts de celle-ci. Contrairement au droit du travail dans la fonction publique nationale, les règles qui dictent les conditions d’emploi et les droits des employés à l’OEB sont déterminées par le Conseil d’Administration, une entité n’ayant que peu de comptes à rendre. Ces défauts de gouvernance combinés avec un manque de visibilité sur la scène publique ont créé les conditions pour une longue histoire de tensions sociales et actions syndicales à l’OEB. Le nombre très élevé de plaintes déposées par des employés de l’OEB au TAOIT (Tribunal Administratif de l’Organisation Internationale du Travail) au cours des années sont un signe tangible de ce malaise.

Les objectifs de l’USOEB peuvent se résumer de la façon suivante :
« représenter et défendre les intérêt des employés »

Depuis sa création l’USOEB a toujours essayé d’atteindre les objectifs ci-dessus à travers une grande variété de moyens: discussions, négociations, publications, assemblées générales, démonstrations, grèves du zèle, grèves… De nombreuses actions en justice aussi ont été entreprises ou soutenues par l’USOEB avec de bons résultats. Discussions et négociations avec le management ont toujours été le premier choix pour l’USOEB, à chaque fois que cela était possible. Lorsque l’administration de l’OEB s’est avérée sérieuse concernant le dialogue social de bons résultats ont pu être atteints, sans besoin d’avoir recours à des actions syndicales, une situation gagnant-gagnant pour tout le monde. Cependant, dès les premières années et malgré toute la bonne volonté, des divergences avec le management ont conduit à maintes reprises à la confrontation et à des actions syndicales ou légales.

Les enjeux ont été similaires pendant les plus de 40 ans d’existence de l’USOEB. Carrières, salaires, retraites, contrats, viabilité financière, charge de travail, embauche, bien-être du personnel et développement des outils informatiques ne sont que quelques- uns des thèmes récurrents qui ont été au centre des négociations avec le management et qui ont conduit la plupart du temps à des confrontations, des escalades, et à des actions syndicales et/ou légales. L’absence d’une véritable consultation de la représentation du personnel et de l’USOEB est probablement le problème le plus important et celui qui revient le plus souvent. La plupart des problèmes auxquels l’OEB a été confronté aux courant de toutes ces années est une conséquence de cela. Comme l’avait dit un ancien membre du comité de l’USOEB qui devint manager de l’OEB par la suite : « Il y a une différence d’approche fondamentale entre les syndicats et le management. Le management prend des décisions basées sur des gains à court terme tandis que les syndicats pensent sur le long terme. » [traduit de l’anglais]

L’avènement de la présidence Battistelli en 2010 inaugura une nouvelle ère. Jusqu’alors les relations entre l’USOEB et le management avaient été en principe en ligne avec ce que l’on pouvait s’attendre, quelquefois cordiales, quelquefois tendues. A partir de ce moment, les choses évoluèrent de façon dramatique à l’OEB. En mai 2013 un communiqué fut publié indiquant que l’envoi d’emails à plus de 50 employés n’était autorisé que pour les employés ayant une autorisation. Etant donné que, “de façon surprenante”, ni la représentation du personnel, ni l’USOEB faisaient partie des employés autorisés, cette limitation, toujours en vigueur aujourd’hui (19.09.2022), équivaut à de la censure pure et simple pour la représentation du personnel et l’USOEB. En juin 2013 un nouvel article fut ajouté au Statut des fonctionnaires, limitant de fait le droit de grève des employés. En mars 2014, de nouveaux amendements du Statut des fonctionnaires ont violé le droit de liberté d’association des employés. Tous ces amendements (ou du moins une partie d’entre eux) du Statut des fonctionnaires et le communiqué cité ci-dessus ont été récemment déclarés illégaux par le TAOIT (Cf. jugements du TAOIT J 4551, J 4430 and J 4482).

Pendant tout ce temps l’USOEB a continuellement et activement soutenu les requérants au TAOIT. Après avoir muselé l’USOEB et la représentation du personnel, l’administration Battistelli profita de l’occasion pour faire passer d’autres réformes jugées opportunes. En décembre 2014 un nouveau système de carrière (NCS) fut introduit au détriment du personnel, en particulier les nouveaux arrivants et ceux qui avaient déjà été négativement impactés par la réforme des retraites en 2009. En mars 2018 un nouveau cadre d’emploi fut introduit, qui se résume en pratique à offrir un contrat de 5 + 5 ans à presque tous les nouveaux arrivants, malgré les défauts d’un tel système pour le personnel de l’OEB.

Vu que l’USOEB et la représentation du personnel n’aimaient pas être muselées et continuaient d’exprimer leur mécontentement, en janvier 2016 l’administration congédia deux responsables de l’USOEB, et en rétrograda un autre à Munich sur la base de charges présumées. En juin 2018 le TAOIT a jugé que les décisions de congédier les deux responsables de l’USOEB et de rétrograder l’autre étaient illégales et devaient être annulées . A la fin de 2016 un autre responsable de l’USOEB fut congédié à La Haye. Cette dernière affaire fut réglée en 2020 avant d’aller en cour. D’autres responsables de l’USOEB ou représentants du personnel reçurent des réprimandes. Certaines affaires doivent encore être réglées. Aucune excuse officielle n’a été reçue à ce jour de la part de l’OEB, bien qu’un tel traitement, rude et illégal, de responsables syndicaux , ne se soit jamais vu dans une organisation internationale.

En juin 2018 le Conseil d’administration de l’OEB a élu Mr. A. Campiños comme nouveau président de l’OEB, avec mandat d’établir et développer le dialogue social. Aujourd’hui, quatre années plus tard, le climat de peur caractéristique de la présidence Battistelli a laissé la place à un climat de désengagement et désenchantement, comme un récent sondage de la compagnie Technologia a indiqué.

Malgré l’optimisme initial, Mr. Campiños n’a pas réussi à ce jour à remplir le mandat que le Conseil d’administration lui avait confié. Le dialogue social avec la représentation du personnel semble être réduit à un exercice théorique de « cocher la case », et le dialogue social avec l’USOEB est presque non-existant. Il n’y a pas eu de meeting, en personne ou par visio-conférence entre l’USOEB et Mr. Campiños depuis plus d’une année.

Les réformes introduites par l’administration précédente, comme le nouveau système de carrière ou le nouveau cadre d’emploi sont encore en place. D’autres réformes ont été faites pendant les quatre dernières années, comme le “new Salary Adjustment Procedure” (SAP) , tandis que l’USOEB et la représentation du personnel ne pouvaient pas opérer correctement à cause des limitations introduites par l’administration précédente. De plus, il a fallu un jugement du TAOIT (J 4430) et 8 années, 3 desquelles sous la présidence actuelle, pour supprimer les limitations du droit fondamental de grève.

De même, concernant la suppression des limitations du droit associatif (J 4482) il a fallu plus de 8 ans, dont 3 et demi sous la présidence actuelle. Le dernier jugement du TAOIT (J 4551) concernant la suppression des limitations du nombre d’emails n’a pas encore été exécuté à ce jour (19 septembre 2022). Cela fait plus de 9 ans que la limitation a été introduite. Ceci n’est pas digne d’une organisation internationale, la deuxième organisation internationale Européenne après la Commission européenne par nombre d’employés.

L’histoire de l’USOEB est intrinsèquement liée à l’histoire de l’OEB. Depuis sa création l’USOEB a agi incessamment pour atteindre les objectifs indiqués dans son statut, c’est à dire défendre les droits du personnel et sauvegarder le bon fonctionnement de l’OEB. Même dans les pires moments, les responsables de l’USOEB se sont durement battus pour défendre ces principes, quelques fois à un coût très élevé pour eux-mêmes. L’USOEB a été et continue d’être un acteur majeur pour façonner le présent et le futur de l’OEB.

Mr. Campiños vient juste d’avoir été réélu pour un deuxième mandat de cinq ans, à partir de juillet 2023. Je lui souhaite bon courage, mais s’il veut réussir dans son projet, il devra s’engager sérieusement dans la voie du dialogue social avec l’USOEB et la représentation du personnel.

Roberto Righetti

A propos de l’auteur

Membre du Bureau fédéral de l’USF

Secrétaire de l’USOEB La Haye