Les congés à la Commission européenne

Les congés à la Commission européenne

Agora #90
24-25

Les congés à la Commission européenne : faits, les plus populaires et l'évolution récente et les différences de pratiques de mise en œuvre.

Les institutions et les organes de l’UE dont les employés travaillent sous le statut du personnel [1] disposent d’un ensemble similaire de droits à congé. Chaque institution ou organe de l’UE a la liberté juridique d’interpréter les points d’ancrage[2] correspondants du statut du personnel de la manière qu’il souhaite. Cela peut entraîner de légères différences dans leur mise en œuvre. À la Commission en particulier, le statut du personnel est complété, d’un point de vue réglementaire, par une décision de la Commission[3], puis par des pratiques de mise en œuvre qui peuvent différer d’un service à l’autre.

Le droit au congé annuel est de deux jours ouvrables par mois de service accompli, soit 24 jours ouvrables par année civile. Ces droits au congé annuel de base sont complétés par des droits supplémentaires en fonction de l’âge (1 à 6 jours) ou du grade (1 à 3 jours) de l’employé.

Au-delà du congé annuel normal, il existe un congé supplémentaire forfaitaire de 2 jours et demi pour se rendre dans son pays d’origine pour les salariés qui bénéficient de l’indemnité d’expatriation ou d’étranger, c’est-à-dire pour tout salarié dont le lieu d’origine/d’intérêt est formellement défini et reconnu par l’administration comme étant situé en dehors du pays où il travaille.

On peut considérer comme une règle empirique que les salariés prennent 6 semaines de congé par an, en plus des jours fériés applicables sur leur lieu de travail. Les jours fériés sont généralement compris entre 17 et 19 jours par année civile à Bruxelles et à Luxembourg. La Commission fait également preuve d’une certaine souplesse en ce qui concerne le travail pendant certains jours fériés. En effet, depuis de nombreuses années, il y a environ 2 ou 3 dates spécifiques de jours fériés par année civile (généralement pour s’adapter aux vacances de Pâques ou de mai) où l’on peut travailler et être compensé (un jour de congé annuel supplémentaire pour un jour férié travaillé).

Enfin, ces congés annuels et jours supplémentaires issus des droits des salariés peuvent être reportés à l’année civile suivante, pour un maximum de 12 jours. Cette disposition vise à assurer la continuité du service. Les demandes de report de plus de 12 jours sont rarement acceptées. En outre, chaque année, le personnel de la Commission perd des droits à congé (probablement – aucune donnée disponible – un ou deux jours en moyenne). Cela va au-delà du travail qu’ils peuvent effectuer les week-ends, les jours fériés non flexibles ou pendant les périodes de congé qui ne donnent pas lieu à des droits supplémentaires ou à une compensation. La possibilité d’obtenir une compensation pour le travail effectué les week-ends/jours fériés existe, mais elle est fortement conditionnée de sorte qu’elle n’est presque jamais accordée.

[1] Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, fixés par le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259/68 du Conseil(1), ont été modifiés par le règlement (UE, Euratom) n° 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013(2) (le “statut révisé”).

[2] Articles 42, 57, 58 et 61 de la RS et son annexe V, articles 16 et 91 du RAA (deuxième partie du texte de la RS)

[3] Décision de la Commission sur le congé C(2013) 9051 final

Ce qui précède s’adresse à tout le monde. Viennent ensuite les congés spéciaux qui ne sont accordés que si l’on remplit des conditions spécifiques et parfois très précises (pour ne pas dire limitées logiquement afin d’éviter les abus). La Commission dispose d’un ensemble assez régulier/standard : 14 liés à des raisons familiales (adoption, maternité, mariage, décès dans la famille proche) et 14 “autres” (travail posté, déménagement, formation, élections, fonction publique, recherche d’emploi en fin de contrat, convocation, etc.) Outre le fait qu’ils sont liés à des conditions très précises et très limitatives, la plupart de ces congés spéciaux sont très limités en quantité, en ce sens qu’ils ne permettent pas d’atteindre l’objectif qu’ils visent (exercice d’un mandat électif maximum 12 jours par an, congés syndicaux maximum 4 jours par an, déménagement maximum 2 jours, maladie grave du partenaire maximum 3 jours, décès d’un parent (proche), etc).

Les congés spéciaux les plus utilisés sont logiquement ceux liés à la famille. Au-delà du mariage, les familles d’employés ont souvent des enfants ou en adoptent et bénéficient donc d’un congé de maternité (24 semaines maximum) et/ou de paternité (10 jours). Le congé parental est un congé complémentaire très à la mode lorsque l’on est parent. Il devient de plus en plus populaire.

Le congé parental est un droit bien établi qui a été introduit dans le cadre de la réforme du statut de 2004. Il est le plus souvent utilisé comme une extension du congé de maternité, mais pas seulement. En effet, le second est une extension du congé annuel. On pourrait écrire un livre sur le congé parental, d’autant plus qu’il n’a pas toujours été bien compris et n’a pas toujours été “pratiqué” de la même manière par tous les services de la Commission, sans parler des autres institutions ou organes de l’UE.

Au sein de la Commission, qu’est-ce que cela implique ? Le mode de travail hybride modifie-t-il son utilisation ?

Les fondements de ce congé conditionné de plus en plus populaire sont inscrits dans l’article 42 bis du statut et dans la décision d’exécution mentionnée :

  • Le congé parental est un droit. Il ne peut pas être refusé. Il peut seulement être légèrement retardé afin que votre service puisse organiser la continuité de l’activité en raison de votre absence programmée.
  • Le droit est de 6 mois par enfant et peut être étendu à 12 mois par enfant dans certaines conditions (par exemple, handicap lourd de l’enfant). Il est assorti d’une allocation (un millier d’euros).
  • Il peut être pris à temps plein ou à mi-temps et pour une durée minimale d’un mois.
  • Le droit est “utilisable” jusqu’à la date du 12e anniversaire de chaque enfant.

On pourrait penser que l’inconvénient est que l’allocation est faible et ne compense pas la perte de revenu pour le salarié, mais elle peut être associée à un congé à temps partiel comme cela est souvent pratiqué pour assurer un revenu minimum (dans le cas d’un temps partiel à 50 %, le salarié perçoit 50 % de son salaire et 50 % de l’allocation).

Les deux autres avantages clés du congé parental sont que, contrairement à une interruption de carrière, il :

  • N’interrompt pas le déroulement de l’ancienneté du salarié dans son grade/fonction, permettant ainsi son avancement de carrière.
  • ne met pas l’employé dans une position où il doit payer en plus la couverture médicale du RCAM – il conserve son plein droit aux remboursements médicaux pour lui-même et sa famille sans frais supplémentaires.

Enfin, ce congé parental est compatible avec le recours au télétravail depuis l’étranger (10 jours ouvrables maximum par année civile), ce qui est particulièrement important car la plupart des salariés sont des expatriés et ont besoin, en plus de s’occuper de leurs enfants, d’être présents pour leurs proches (parents) dans leur lieu d’origine.

La crise du COVID est probablement l’une des raisons du succès croissant du congé parental. En effet, la crise a entraîné la généralisation du travail hybride et a montré la nécessité d’un travail dédié (totalement) et d’un temps sans connexion. La crise a également mis en évidence les limites du traitement administratif (et inhumain) des demandes de congé (avec toutes leurs limitations et conditions). Nous avons observé un inconvénient connexe dans notre institution : une violation potentielle de la confidentialité médicale et de la vie privée. En effet, notre administration et les services qui y sont liés (Pay Master Office qui couvre notamment le remboursement des frais médicaux) s’intéressent de plus en plus à la vie privée du personnel. Certains congés impliquent en effet la communication de données médicales ou privées. L’échange d’informations entre les services est bien sûr fortement réglementé pour des raisons évidentes. Toutefois, dans certains cas, y compris les congés, des informations confidentielles ont été mises à la disposition d’un si grand nombre de personnes/services que des doutes subsistent quant à la garantie du secret.

Comme nous l’avons dit au début, nous devons également nous pencher sur les différences de pratiques de mise en œuvre. Elles différaient d’un service à l’autre, mais à la suite d’une réorganisation de l’administration en 2020, ces différences de mise en œuvre ont diminué à la Commission. Il n’en reste pas moins que certains congés spéciaux sont instrumentalement mal interprétés par certains gestionnaires/correspondants ressources. Nous sommes probablement à un niveau structurel auquel on peut s’attendre dans toute organisation à caractère humain. Toutefois, le refus ou l’annulation des congés individuels des collègues peut être très émotionnel (par exemple, une preuve de décès ou d’enterrement n’indiquant pas la date et/ou le lieu).

Arty Kyramarios

A PROPOS DE L’AUTEUR

Belgo-grecque ; née, élevée et éduquée à Bruxelles. Travaille actuellement à la Commission européenne (Eurostat) à Luxembourg. Actif depuis 2001 dans diverses organisations membres de l’USF. Actuellement actif dans l’organisation membre USFL (Vice-président) et dans le Comité local du personnel de la Commission à Luxembourg (Président).