La vie d’un collègue handicapé à la Commission européenne

La vie d’un collègue handicapé à la Commission européenne

Agora #89
Pages 41 - 42

Un point de vue unique sur les expériences et les défis rencontrés par un collègue handicapé.

En 2010, j’ai participé à des concours européens dans des conditions particulières en raison d’un handicap reconnu à vie. Après plusieurs années de concours, j’ai finalement réussi et je suis devenu AST1/2. J’ai commencé à l’échelon 2 parce que j’ai plus de 10 ans d’expérience professionnelle en dehors des institutions.

En 2012, j’ai rejoint la Commission européenne en tant que fonctionnaire et j’ai informé mon chef d’unité de mon handicap. Dès mon arrivée, j’ai veillé à ce que ma troisième langue soit enregistrée dans Sysper au titre de l’article 45, paragraphe 2, afin de pouvoir bénéficier d’une promotion dès que possible.

Lors de mon premier emploi à la Commission européenne, mes collègues et moi-même avons été victimes d’un harceleur en série. J’ai fait appel aux services sociaux qui m’ont apporté un soutien incroyable. J’ai fait mon travail au mieux de mes capacités, mais j’ai bien sûr commis des erreurs en raison de mon handicap.

Malgré tous les défis et mon handicap à vie, mon chef d’unité adjoint a remarqué que j’étais intelligente et m’a donné des responsabilités supplémentaires. Le nouveau chef d’unité remplaçant a également apprécié mes points forts et m’a demandé de continuer à faire du bon travail. Bien que j’aie travaillé pendant quatre ans au-delà des responsabilités de mon grade AST1, le chef d’unité ne m’a pas accordé de promotion.

En 2016, je suis passée à une autre DG, chargée du dossier de la discrimination et de l’exclusion. Mon nouveau chef de service a rapidement remarqué que je faisais des fautes d’orthographe, ce à quoi j’ai répondu que j’étais dyslexique. Ils m’ont dit qu’ils n’avaient pas été informés par les RH. J’étais très confuse car EPSO avait accepté mon diagnostic de handicap. J’ai supposé innocemment qu’EPSO avait transmis mon dossier « RH » à l’institution qui m’avait recrutée.

Au fil du temps, mon chef d’équipe a commencé à me retirer des responsabilités et à « réduire mes tâches » par rapport au poste pour lequel j’avais postulé et pour lequel j’avais été recrutée. Dans mes REC, j’ai toujours reçu un retour favorable, mais dans la pratique, de plus en plus de tâches m’ont été retirées. J’ai continué à apprendre de nouvelles procédures et à créer des diagrammes de flux de travail pour montrer que je comprenais mon travail. À chaque fois, les documents que j’avais créés et mon travail m’ont été retirés et confiés à d’autres. J’entendais régulièrement des conversations sur mes erreurs et mon « manque de fiabilité » dans différentes langues. Je parle 5 langues et j’en comprends 7. J’étais donc toujours consciente de ce qui se disait sur moi derrière mon dos. Lorsque les problèmes se sont aggravés, on m’a conseillé de contacter le service de médiation. Je leur ai parlé de mon handicap et de mes expériences avec mon chef de service. Ils m’ont demandé si mon handicap avait été reconnu (1), ce à quoi j’ai répondu que je pensais que l’EPSO était chargé d’informer l’institution. Le service de médiation m’a immédiatement mise en contact avec le service médical et m’a aidée à passer des tests.

Pour la première fois depuis mon entrée à la Commission européenne, j’ai été informée que mon handicap devait être officiellement examiné (2) par l’institution et à qui je devais m’adresser. Mon handicap n’est pas physique et n’est en aucun cas considéré comme médical. Je n’ai donc jamais compris pourquoi il devait être signalé au service médical.

Lorsque j’ai contacté le service médical, j’ai demandé par écrit que le service de médiation soit tenu informé de la procédure et des tests. Le service médical m’a envoyé des tests psychologiques, mais il ne s’agissait pas du même type de tests que ceux que j’avais effectués lors du diagnostic.

(1) Une personne handicapée remplit les conditions d’aptitude au travail… elle est protégée par la disposition antidiscriminatoire du statut.

(2) Statut Art 1d, Art 33 – Examen médical conforme à l’Art 28, Art 28 – aptitude physique à l’exercice des fonctions

En 2019, j’ai eu un accident de travail. Après ma convalescence et mon retour au travail, les critiques constantes et les suppressions de tâches se sont poursuivies. J’ai repris contact avec le service de médiation. Pendant toute la période où j’ai travaillé à la Commission européenne, le service de médiation a été le seul à pouvoir m’aider. Il voulait que je sois un membre du personnel productif et heureux. Le service médical ne les avait pas informés, ni moi, des résultats des examens, ni si j’avais besoin d’examens complémentaires. Après quelques recherches personnelles, je me suis rendu compte que le service médical m’avait envoyé au mauvais type de tests.

Octobre 2020 J’ai envoyé un courriel à mon chef de service pour la troisième fois afin d’expliquer mon handicap et de demander des ajustements raisonnables dans mon travail.

Je travaille dans les institutions depuis 12 ans (3 ans CA, 8 ans AST1), 8 ans de REC positifs de la part de deux chefs d’unité différents, plus de 4 ans d’appels, 1 avis

positif du CPM qui n’a pas été suivi et donc pas de promotion, 3 avis négatifs du CPM et absolument aucune promotion. Toutes les personnes mentionnées dans cette histoire ont été promues deux fois pendant toute la période où je me suis battue pour l’égalité de traitement entre 2012 et 2021.

Après 8 ans de travail à la Commission européenne, j’étais toujours AST1 et j’ai donc contacté l’USB pour obtenir de l’aide. Nous avons introduit un recours au titre de l’article 90 pour absence de promotion, mon évaluation pour l’année de travail 2019 a été officiellement réexaminée et j’ai finalement été promue au grade d’AST 2. Mon handicap a été retesté dans ma langue principale de manière correcte et la Commission européenne a accepté les ajustements raisonnables recommandés dans l’évaluation indépendante.

L’effet cumulatif sur ma carrière, l’accès aux concours internes, la pension et le salaire doit encore faire l’objet d’un suivi.

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