IA générative: un voyage dans le futur sans DeLorean

IA générative: un voyage dans le futur sans DeLorean

Agora #93
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Cet article vous invite à explorer ce que ChatGPT est, comment il fonctionne, et ce qu'il signifie pour l'avenir des travailleurs.

IA générative – ChatGPT
Un voyage dans le futur (sans DeLorean)*

 

*La DeLorean est une machine à voyager dans le temps, sous la forme d’une automobile, popularisée par la trilogie cinématographique Retour vers le futur.

L’intelligence artificielle (IA) générative — incarnée ici par ChatGPT — est au cœur d’une révolution technologique qui bouleverse le monde du travail et, plus particulièrement, les emplois des cols blancs. Cet article vous invite à explorer ce que ChatGPT est, comment il fonctionne, et ce qu’il signifie pour l’avenir des travailleurs. C’est un voyage sans DeLorean, mais qui nous propulse dans un futur fascinant et complexe, où la technologie redéfinit ce que signifie travailler.

La génèse de ChatGPT : Comment tout a commencé

ChatGPT est un outil d’IA créé par OpenAI, une organisation fondée en 2015 dans le but de développer des intelligences artificielles sûres et bénéfiques pour l’humanité. Le terme « GPT » signifie « Generative Pre-trained Transformer ». En termes simples, il s’agit d’un modèle statistique qui a appris à comprendre et à produire du langage naturel grâce à l’analyse de milliers de milliards de mots prélevés sur Internet.

OpenAI a développé une série de versions de GPT, chaque itération s’avérant plus sophistiquée que la précédente. ChatGPT, dans sa forme actuelle, repose sur GPT-4o, un modèle qui est capable de répondre à des questions complexes, générer du contenu et même résoudre des problèmes de manière créative (je dis bien de manière….). Ce qui le distingue des autres outils de traitement automatique du langage naturel, c’est sa capacité à créer des réponses qui semblent humaines, en utilisant un vaste corpus de textes pour apprendre des structures grammaticales et des concepts.

Comment fonctionne ChatGPT : une Vue Simplifiée…

Le cœur de ChatGPT repose sur les réseaux de neurones, une technologie inspirée du cerveau humain. Imaginez un réseau complexe de neurones artificiels, chacun connecté à d’autres neurones, travaillant de concert pour transformer des phrases simples en idées complexes. Voici comment le processus fonctionne, en termes simples :

Formation : Le modèle est pré-entrainé sur une grande quantité de textes. Pendant cet apprentissage, ChatGPT n’acquiert pas des connaissances directes comme un humain, mais il apprend les régularités, les modèles et les relations entre les mots et les phrases.

Prédiction : Lorsqu’une question est posée à ChatGPT, celui-ci prédit la réponse la plus probable en fonction des données dont il dispose. En pratique, il construit sa réponse mot par mot, chaque mot dépendant du contexte donné par les précédents.

Affinement : L’une des particularités de ChatGPT est qu’il a été affiné par une méthode appelée Rétroaction Apprise par Renforcement (ou RLHF, Reinforcement Learning from Human Feedback). Cela signifie que des humains ont évalué les réponses de ChatGPT, l’aidant ainsi à améliorer sa précision et sa pertinence.

ChatGPT fonctionne essentiellement en étant capable de comprendre le contexte des questions et de produire des réponses de manière cohérente. Il ne « comprend » pas le langage comme un humain, mais son apprentissage sur une grande quantité de données lui permet de manipuler efficacement l’information pour générer des réponses pertinentes.

Les risques pour l’emploi des cols blancs : un regard sans illusion

L’essor de ChatGPT et d’autres technologies d’IA générative suscite des questions inquiétantes quant à l’avenir des emplois des cols blancs — ceux qui travaillent principalement dans des bureaux, utilisent leur intellect pour accomplir des tâches, et ne sont pas impliqués dans un travail physique manuel. Ces emplois sont notamment présents dans les secteurs administratifs, financiers, juridiques et de la création de contenu. Voici quelques exemples concrets des impacts possibles :

Les assistants administratifs et les employés de bureau

Les assistants administratifs qui organisent des réunions, répondent à des courriels et préparent des documents sont déjà menacés par l’IA. Des outils comme ChatGPT peuvent écrire des courriels formels, résumer des notes de réunion, et même gérer des calendriers, ce qui réduit le besoin d’une présence humaine pour ces tâches.

Imaginez un employeur qui doit réduire ses coûts. Plutôt que d’embaucher une nouvelle assistante, il pourrait simplement s’abonner à un service qui utilise l’IA pour remplir ces tâches de manière plus économique. Cela déplace directement les travailleurs vers le chômage ou les oblige à se reconvertir vers d’autres types d’emplois.

Une étude menée par McKinsey & Company a montré que l’automatisation des tâches administratives grâce à l’IA peut augmenter la productivité de 20 à 30 %. Par exemple, une entreprise ayant intégré des outils d’IA pour la gestion des courriels et des calendriers a constaté une réduction de 25 % du temps consacré aux tâches répétitives, ce qui a permis aux employés de se concentrer davantage sur des activités à forte valeur ajoutée.

Journalistes et créateurs de contenu

Un autre domaine où ChatGPT fait sentir son impact est celui du journalisme et de la création de contenu. Des articles de blog, des rapports d’actualité ou des analyses financières simples peuvent être produits par l’IA à une vitesse et un coût défiant toute concurrence humaine.

Certains grands médias ont déjà commencé à expérimenter des articles écrits par l’IA, principalement pour couvrir des informations basiques où la créativité humaine n’ajoute pas de valeur particulière. Cela pose un risque non seulement pour les emplois de journaliste, mais également pour la qualité de l’information étant donné que les IA peuvent reproduire des biais présents dans leurs données d’entraînement.

Secteur financier : les analystes en chiffres

Les analystes financiers utilisent souvent des données pour produire des rapports ou conseiller sur des stratégies d’investissement. Avec les IA capables d’analyser des volumes énormes de données, de détecter des tendances, et de fournir des conseils, ces rôles sont également menacés. Par exemple, des plateformes basées sur l’IA permettent déjà de produire des évaluations financières ou des recommandations de portefeuille, réduisant ainsi la nécessité de recourir à des experts humains dans des cas simples.

Les risques de l’IA et la réponse syndicale

Face à ces révolutions, la question pour les syndicats devient : comment protéger les droits des travailleurs et préparer les salariés à ce futur en perpétuelle mutation ?

Requalification et formation

L’une des réponses clé à l’impact de l’IA sur les emplois est la requalification. Les syndicats doivent collaborer avec les employeurs et les institutions éducatives pour garantir que les travailleurs déplacés puissent acquérir de nouvelles compétences dans des secteurs qui ne sont pas menacés par l’automatisation.

La négociation d’accords sur la formation continue devrait devenir une priorité, en insistant sur les compétences complémentaires que l’IA ne peut pas facilement remplacer, telles que la créativité, la gestion humaine, et les tâches qui exigent de l’empathie.

Réglementation de l’usage de l’IA

Il est également nécessaire de réguler l’utilisation de l’IA dans le milieu de travail. Les syndicats doivent participer à l’élaboration de politiques qui protègent les travailleurs contre les licenciements abusifs dus à l’automatisation. Par exemple, en négociant des périodes de transition plus longues avant que les IA puissent remplacer des postes humains ou en établissant un cadre éthique pour l’utilisation de ces technologies.

Maintien de l’intervention humaine

Les syndicats pourraient aussi plaider pour une approche hybride, où les IA comme ChatGPT complètent le travail des humains au lieu de les remplacer. Cela pourrait signifier que, par exemple, un journaliste travaille avec l’IA pour générer les parties les plus basiques d’un rapport, laissant à l’humain le soin de fournir une analyse critique et une valeur ajoutée.

A réfléchir : Un monde où les machines sont seules à travailler

Imaginons un monde où seuls les dirigeants humains subsistent, entourés de machines effectuant toutes les autres tâches. C’est un avenir qui peut sembler tiré d’un roman de science-fiction, mais qui est rendu envisageable par les avancées rapides de l’intelligence artificielle. Dans un tel scénario, les machines accompliraient la totalité des travaux productifs, tandis que les dirigeants prendraient des décisions stratégiques, gardant le contrôle économique et politique.

Ce monde pourrait avoir des avantages, comme une productivité presque illimitée, la disparition des tâches pénibles ou répétitives, et une efficacité optimale. Cependant, il est important de réfléchir aux conséquences sociales et humaines d’un tel modèle. Sans emploi, comment la population générale trouverait-elle un sens à sa vie ou un moyen de subsistance ? Ce monde serait également profondément inégalitaire, avec une concentration de pouvoir et de richesse entre les mains d’une minorité dirigeante. Le reste de la population pourrait se retrouver à la merci de décisions prises par une élite, sans possibilité d’influence ou de contribution.

Ce futur hypothétique pose la question de la valeur du travail et du rôle de l’humain dans la société. Le travail n’est pas seulement une source de revenu, mais aussi un moyen de s’épanouir, de contribuer à la communauté, et de construire des liens sociaux. Si nous déléguons tout aux machines, nous risquons de perdre ces aspects essentiels de la condition humaine. Pour les syndicats, l’enjeu est donc de s’assurer que les avancées technologiques profitent à tous et non à une minorité, en préservant la dignité et l’utilité de chaque individu dans la société.

Conclusion :

Se préparer au voyage sans DeLorean

L’IA générative, avec ChatGPT comme pionnier, est une force transformante qui redéfinit le futur du travail, en particulier pour les cols blancs. Si les perspectives peuvent sembler intimidantes, elles offrent également des opportunités de redéfinir le rôle des travailleurs et d’adapter l’organisation du travail pour être plus résiliente et équitable.

Pour les syndicalistes, le défi est double : s’assurer que les travailleurs puissent profiter des avantages de l’IA tout en se préparant aux perturbations qu’elle apportera inévitablement. La clef réside dans l’éducation, la réglementation et la collaboration entre toutes les parties prenantes. Ce voyage dans le futur, sans DeLorean mais avec des technologies innovantes, est une invitation à la vigilance, à l’adaptation, et à la détermination collective pour construire un futur où l’humain reste au centre de la valeur créée.

Dans un prochain article, nous discuterons de l’enseignement et la médecine, qui seront les deux domaines les plus impactés par l’IA, tant pour le bien que pour le mal.

Rudy DRUINE

A PROPOS DE L’AUTEUR

Rudy Druine est l’un de adherents de l’USB depuis des années et ancien chef du secteur  exploitation et service de gestion des ressources informatiques à la Commission européenne; Il est actuellement professeur d’informatique à  l’ Institut Supérieur Industriel de la Province du Hainaut.