Les droits sociaux sont en danger dans plusieurs institutions européennes, de part leur statut particulier : le SACE réagit à l’actualité !
En 2016, le Président de l’Office européen des Brevets (OEB) a licencié trois élus du personnel, tous représentants syndicaux. Trois autres représentants du personnel ont été brutalement dégradés en 2015 et en 2016. Durant les quatre dernières années, cinq agents de l’OEB se sont suicidés. S’abritant derrière son immunité, l’OEB a refusé toute enquête indépendante des autorités locales compétentes quant aux circonstances de ces décès.
Un article publié en février 2016 sur le site français “Novethic” (œuvrant à la promotion de la responsabilité sociale dans les entreprises) rapporte les graves risques pour la santé mentale du personnel de l’OIB et de la Banque centrale européenne. Un article paru en janvier de cette année dans l’hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné dénonçait la même situation. L’article souligne des cas de suicide, de burn-out, de discrimination et de licenciement abusif.
L’analyse du SACE
L’article de Novethic ci-dessus identifie clairement, comme facteurs majeurs d’insécurité et de manque de protection dans ces institutions, les faits que celles-ci :
* ne sont pas soumises à la législation nationale ;
* ne font pas l’objet d’une surveillance externe concernant l’emploi et les conditions de travail ;
* sont libres de faire leurs propres règles en matière d’emploi.
Cet état de choses n’est que trop familier au personnel du Conseil de l’Europe, où le droit du travail français est considéré comme un modèle lointain et non comme une obligation, et n’est assurément pas appliqué dans certains domaines des droits sociaux. Pour prendre un exemple concernant les syndicats, les représentants du personnel en France peuvent prendre jusqu’à douze jours par an sur leur temps de travail pour s’engager dans des activités syndicales ; au Conseil de l’Europe, cela se limite à un jour. D’autres exemples concernent le droit à la formation et le renouvellement continuel de contrats temporaires, mais il y en a encore beaucoup d’autres.
En ce qui concerne la santé et la sécurité, il n’existe pas d’inspection indépendante des conditions de travail au sein du Conseil de l’Europe et, malgré la présence d’un organisme paritaire, le Comité d’Hygiène et de Sécurité (CHS), ce domaine reste largement géré par l’administration. Les conditions d’emploi du Conseil sont déterminées par l’administration, sans aucune obligation de donner suite aux recommandations ou aux positions prises par le Comité du Personnel, et le processus de consultation perd de sa substance année après année (un exemple très récent étant le dernier exercice de cessation anticipée de fonctions).
La position du SACE
Comme le SACE l’a toujours souligné, il y a une certaine ironie dans le fait que, si le Conseil de l’Europe est le berceau de la Charte sociale européenne, et annonce une reconnaissance partielle de son application, il ne l’applique pas complètement. Le SACE appelle donc le Secrétaire général à mettre en œuvre la Résolution du SACE sur la Charte sociale.
Dans un environnement de travail marqué par une précarité croissante, nous avons toujours plus besoin de tous les moyens disponibles pour défendre et garantir des conditions de travail correctes, égales et équitables. Le SACE souligne sa résolution adoptée en 2016 par l’Assemblée générale du Personnel, intitulée “Une feuille de route pour l’amélioration pratique de l’emploi et des conditions de travail du personnel” (en anglais uniquement), qui identifie les trois principales sources de stress dans l’Organisation et propose des mesures pour minimiser les risques et créer un environnement de travail positif pour tous.
L’action des syndicats dans le cas de l’Office européen des Brevets
Le SACE suit ces développements et soutient le personnel de ces deux institutions : en particulier, par son appartenance à l’Union Syndicale Fédérale (USF), qui regroupe des organes de représentation du personnel de quelque vingt organisations et agences européennes, dont l’OEB. L’USF a apporté un soutien financier par le biais d’une procédure de financement participatif à un membre du personnel de l’OEB-La Haye qui a été renvoyé. Le SACE contribue par le biais de l’action collective de l’USF et apportera également un soutien financier direct cette année. Nous proposerons également une contribution du Fonds d’action du Personnel géré par le Comité du Personnel.
Les développements récents : une affaire à suivre de près
Depuis la parution des articles mentionnés ci-dessus, les syndicats et l’USF ont déposé des recours. Une procédure a été déclenchée auprès des juridictions néerlandaises, suite à laquelle la Cour suprême des Pays-Bas a rendu un arrêt confirmant que le statut d’extraterritorialité dont cette organisation bénéficie, tout comme le Conseil de l’Europe, l’exonérait de suivre la réglementation applicable au sein de l’Etat hôte (voir ci-joint).
Le 9 mai 2017, le syndicat de cette organisation, non satisfait de cette position et arguant qu’elle ne valait que si l’OEB disposait d’un mécanisme de recours effectif, a soutenu l’introduction d’un recours auprès de la Cour européenne des Droits de l’homme au titre de l’article 6 (droit à un procès équitable) en relation avec les articles 10, 11 et 13. Le SACE a également fait savoir à l’Union Syndicale Fédérale que ces questions relèvent sans doute aussi de la Charte sociale européenne (révisée) et qu’il faudra étudier la possibilité de saisir le Comité européen des Droits sociaux (CEDS) par le biais d’une réclamation collective.
Les droits sociaux du personnel des institutions européennes sont encore en danger et le SACE continuera à suivre ces développements et à soutenir les partenaires concernés, notamment parce que notre syndicat s’interroge depuis longtemps sur le fait que notre dispositif de recours interne (le Tribunal administratif) ne dispose pas d’un mécanisme d’appel.