Du virtuel au réel

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Agora #95
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La toute première réunion en présentiel de I'Union Syndicale Fédérale des agences de l'UE marque une étape importante pour la représentation du personnel.

Une réunion tant attendue : les syndicats des agences de l’UE se réunissent à Turin. La toute première réunion en présentiel de I’Union Syndicale Fédérale des agences de l’UE marque une étape importante pour la représentation du personnel.

Turin, le 3 octobre 2025 — Lors d’une réunion à la Fondation européenne pour la formation (ETF), des représentants de plusieurs agences de l’UE se sont rencontrés en personne pour la première fois depuis la création du groupe de travail des agences au sein de l’Union Syndicale Fédérale en 2019. Organisée dans la Sala Europa au siège de l’ETF, cette réunion a marqué une avancée significative dans la coopération interinstitutionnelle, l’apprentissage mutuel et la promotion de l’amélioration des conditions de travail dans toutes les institutions de l’UE.

La réunion a rassemblé des représentants du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), d’Eurojust, de L’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA), de l’Agence exécutive du Conseil européen de la recherche (ERCEA), de L’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (‘AESA), de Frontex, d’Eurofound, de Fusion for Energy (F4E) et du syndicat du personnel de l’ETF. Elle s’est ouverte par les discours de bienvenue de Jakov Minic, vice-président de l’Union Syndicale Fédérale (USF), et de José Manuel Galvin Arribas, président de l’ETF US, qui ont tous deux souligné l’importance de la présence physique pour renforcer la solidarité et la compréhension mutuelle, ce qui avait fait défaut depuis la création du groupe en raison de la pandémie et d’autres contraintes logistiques.

Au centre des discussions de la journée figurait le défi persistant du développement de carrière au sein des agences, en particulier les possibilités limitées pour les agents contractuels (CA) d’accéder à des postes d’agents temporaires (TA). Les participants ont fait part de leurs observations concernant le manque d’équité dans le recrutement interne, où des agents sous différents types de contrats occupent souvent des fonctions identiques mais sont soumis à un traitement inégal. Bien que le statut actuel impose des limites à la mobilité entre les catégories, le groupe a examiné les moyens dont disposent les agences pour faciliter des parcours professionnels plus équitables dans le cadre des structures existantes, éventuellement par le biais d’une mise à jour des Dispositions Générales d’Exécution (DGE). Les participants ont toutefois reconnu que de telles révisions constitueraient un processus complexe et long, nécessitant une harmonisation entre les institutions.

Outre les questions relatives aux contrats et à la carrière, les droits à pension sont apparus comme un sujet majeur. Niels Bracke, président de l’Union Syndicale Bruxelles, ainsi que les vice-présidents de l’USF ont conseillé au personnel de mieux utiliser les outils de calcul des pensions, tandis qu’un séminaire dédié a été proposé pour aborder l’incertitude croissante entourant les transferts et les droits à pension, en particulier pour les assistants  des groupes de fonctions inférieurs. Il a été noté que toute action en justice dans ce domaine ne serait envisageable qu’après réception des estimations définitives de pension et une fois la pension effectivement versée.

Une autre problématique majeure soulevée par l’ensemble des agences concernait le bien-être du personnel. Les données issues d’enquêtes internes suggèrent que la culture organisationnelle, la peur du personnel et le roulement du personnel restent des problèmes non résolus dans de nombreux lieux de travail. Les délégués ont appelé à l’élaboration de plans d’action concrets pour donner suite aux résultats de l’enquête, ainsi qu’à la création d’un groupe confidentiel de conseillers interinstitutions afin d’offrir un espace sûr aux employés victimes de harcèlement ou d’autres formes de détresse professionnelle. Les dirigeants syndicaux ont également averti que la « gentillesse » souvent affichée dans les cadres formels ne devait pas occulter ou minimiser la gravité des conclusions soulignées par les personnels eux-mêmes.

Les discussions ont également porté sur la diversité et l’inclusion, où il est apparu clairement que, bien que des politiques existent, leur mise en œuvre reste incohérente. Les syndicats ont réaffirmé leur engagement à promouvoir un véritable changement, non seulement dans les déclarations officielles, mais aussi dans les expériences vécues sur le lieu de travail. La prévention du harcèlement, une représentation équitable et une communication plus forte entre le personnel et la direction ont été considérées comme des éléments essentiels d’une culture organisationnelle plus inclusive.

José Manuel Galvin Arribas a décrit cet événement comme une étape importante dans la coopération syndicale entre les agences. Il a souligné que la réunion avait contribué à consolider un programme commun, mettant en avant des questions telles que le bien-être du personnel, la mobilité professionnelle, les droits à la retraite et la nécessité de renforcer le rôle des syndicats dans le cadre administratif plus large de l’UE. « Cela a également été une occasion de se former entre camarades syndicalistes », a-t-il déclaré, soulignant que le groupe des agences était devenu une plateforme essentielle pour aborder de manière systématique les préoccupations communes.

Le président de l’USF, Nicolas Mavraganis, a fait écho à ce sentiment, rappelant que si les agences sont devenues essentielles au fonctionnement de l’UE, leur personnel est trop souvent confronté à des contrats précaires et à des perspectives limitées. « Le personnel est la seule ressource de nos institutions », a-t-il déclaré. « Cette réunion est un pas de plus vers la garantie qu’il sera entendu et respecté. »

La visite comprenait également une réunion séparée, le 2 octobre, entre Niels Bracke, président de l’Union Syndicale Bruxelles et haut représentant de l’USF, et Thierry Foubert, membre de la direction de l’ETF. Au cours d’un échange constructif avec Mr Foubert, les questions contractuelles ont été discutées en profondeur, puis une réunion plus large avec l’ensemble du personnel a permis aux employés de l’ETF de poser des questions sur les concours internes, les règles de transfert des pensions et les complications liées aux visas pour les missions. Niels a également rencontré individuellement certains membres du personnel, soulignant l’importance d’un dialogue direct et personnel pour comprendre les réalités du lieu de travail.

En rétrospective, Niels a apprécié la qualité des échanges, mais a noté que la durée de la réunion était trop courte pour traiter de manière exhaustive tous les sujets à l’ordre du jour. « Nous devons consacrer plus de temps au partage de l’expertise acquise par l’USF au fil des ans. Loin des yeux, loin du cœur, surtout lorsqu’il s’agit de sujets complexes tels que le statut du personnel et les droits à pension. À l’avenir, ces réunions devraient durer au moins deux jours complets.»

La réunion s’est conclue par un message fort : le dialogue social doit être renforcé à tous les niveaux. Malgré les efforts continus, ni la Commission européenne actuelle ni la précédente n’ont engagé de dialogue direct avec les représentants syndicaux — une lacune qui, selon les participants, doit être comblée si l’on veut réaliser de réels progrès.

Alors que le groupe Union Syndicale des agences continue de gagner en ampleur et en ambition, cette première réunion en présentiel marque un tournant. Plus qu’une simple réunion de routine, elle a permis de réaffirmer l’objectif collectif et de rappeler que la voix du personnel des agences est à la fois essentielle et attendue depuis longtemps dans le processus décisionnel de l’UE.

Liia KAARLOP

A PROPOS DE L’AUTEUR

Liia Kaarlop travaille à la Fondation européenne pour la formation (ETF) en tant que chargée de projet. Elle est membre de l’Union Syndicale (US-ETF).

Aleksandra FALCONE

A PROPOS DE L’AUTEUR

Aleksandra Falcone travaille à la Fondation européenne pour la formation (ETF) en tant que responsable de la planification, du suivi et des rapports. Elle est membre du Comité fédéral USF de l’Union Syndicale-ETF.