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Agora #80

Quelles sont les améliorations sociales que l’Union Syndicale a permis de conquérir ? Lesquelles avons-nous pu défendre et conserver ?

Quelles sont les améliorations sociales que l’Union Syndicale a permis de conquérir ? Lesquelles avons-nous pu défendre et conserver ? À une époque où, dans un monde où la mondialisation entraîne dans son sillage réductions salariales et chômage, il est impossible de rester complètement isolés et d’échapper au changement. Il arrive donc que nous soyons obligés de faire des concessions parce que, temporairement, nous sommes dans une situation de faiblesse ou parce que le manque d’unité au sein du personnel nous affaiblit.

Toutefois, sous l’impulsion de l’Union Syndicale, le personnel de l’Union européenne a obtenu de considérables améliorations de ses conditions de travail et a pu défendre quasiment tous les aspects essentiels de ses acquis sociaux.

Au sein des trois grandes familles d’organisations internationales (institutions et agences UE, organisations coordonnées et Nations unies), le personnel de l’Union européenne est toujours celui qui jouit des meilleures conditions de travail et des salaires les plus attractifs.

Alors que, il y a quarante-cinq ans déjà, les Etats membres de l’UE voulaient supprimer toute Méthode d’adaptation des rémunérations, nous avons réussi à la maintenir et, mieux encore, à inclure, dans le Statut, une Méthode qui restera valable jusqu’à ce qu’il y ait accord sur une nouvelle Méthode. C’est un succès incroyable. Il en va de même pour l’indemnité de dépaysement de 16% que les Etats membres voulaient déjà supprimer il y a quarante ans, et que nous avons réussi à conserver.

Nos acquis ne sont pas tombés du ciel.

Ils ont nécessité des grèves longues et dures et d’autres actions syndicales, ainsi que d’âpres négociations, menées à bien grâce au talent et à l’expertise des représentants du personnel. Et ces acquis, ces améliorations sociales, nous risquons toujours de les perdre si nous ne sommes pas capables de résister à la pression des Etats membres, si nous ne menons pas des actions lorsqu’elles s’avèrent nécessaires et si les syndicats s’entredéchirent au lieu de lutter contre les Etats membres qui s’attaquent à nos salaires et à nos conditions de travail.

De nouveaux collègues semblent souvent croire que notre situation favorable va de soi, ou qu’elle résulte de la générosité de notre employeur. Et même lorsque nous avons fait grève -quasi exclusivement au Conseil -, les collègues des autres institutions s’imaginaient que tout tombait du ciel et qu’il n’était pas nécessaire qu’ils participent aux actions.

Comme tout véritable syndicat qui veut défendre les intérêts de ses adhérents, l’Union Syndicale s’intéresse en premier lieu à leurs conditions de travail et de vie, matérielles ou non.

Rémunérations

Les premiers conflits salariaux, ponctués d’actions et de grèves, ont eu lieu à la fin des années ’60 et au début des années ’70. Ils ont mené à l’adoption des premières Méthodes d’adaptation salariale en 1972 et 1976. Ces Méthodes étaient déjà semblables à la Méthode actuelle, mais techniquement moins élaborées. Aux fins de l’adaptation des rémunérations, l’office statistique EUROSTAT calcule le taux d’inflation subi par le personnel des institutions en poste à Bruxelles (et Luxembourg) et le taux moyen de hausse ou de baisse du pouvoir d’achat dans les Fonctions publiques des Etats membres et applique ces deux facteurs à la grille des salaires.

Régulièrement, les Etats membres ont trouvé que les résultats étaient trop favorables au personnel et ont juré de ne de ne plus nous donner de nouvelle Méthode.

Dans les années ’60, les grèves et autres actions visaient essentiellement la Commission, mais, depuis 1981, toutes les actions se concentrent sur le Conseil. Dans une certaine mesure, c’est logique puisque ce sont toujours les Etats membres qui ont soit dénoncé la Méthode en vigueur, soit refusé de négocier pour en adopter une nouvelle.

En 1981, le Conseil a solennellement déclaré qu’il dénonçait, avec effet immédiat, la Méthode en vigueur et qu’il n’y en aurait jamais plus. Il a fallu six mois d’actions pour que l’Union Syndicale obtienne l’adoption d’une nouvelle Méthode, d’une durée de dix ans. En échange de cette durée particulièrement longue par rapport aux Méthodes précédentes, le personnel a dû accepter un prélèvement de crise relativement faible (effet net : 3,5%). Mais il a aussi obtenu une réduction de la durée du travail, qui est passée de 40h à 37h30, sans réduction salariale, ce qui correspondait à une augmentation indirecte de salaire de 6,25%. En 1991, quatre mois et demi d’actions ont été nécessaires pour arriver à un résultat similaire. En 2001, la Méthode a été prorogée de deux ans et, dans le cadre de la réforme 2004, elle a été reconduite pour huit ans.

La réforme statutaire de 2004

La plupart des syndicats ont pratiqué la politique de la chaise vide et l’Union Syndicale a donc dû négocier quasiment seule tous les aspects de la réforme. Le compromis final comportait une baisse des salaires au recrutement et une réduction des droits à pension, et ouvrait plus largement la porte à la précarité de l’emploi. Mais les aspects positifs dépassaient de loin les points négatifs.

Points positifs

Rémunérations et pensions

Une nouvelle Méthode d’adaptation salariale a été acceptée par toutes les parties, avec en contrepartie un nouveau prélèvement imposé unilatéralement par le Conseil.

Une nouvelle Méthode de calcul du taux de contribution au régime de pensions a été mise en place. Elle garantit que le personnel paie sa juste part.

Allocations et indemnités

Les principales allocations ont été intégralement maintenues. Quelques allocations plus secondaires ont été rationalisées et partiellement réduites.

Carrières

Les taux de promotion garantis ont permis une promotion tous les trois, quatre ou cinq ans en moyenne (annexe I B)et les blocages de fin de carrière (typiquement vers 45-50 ans) ont pu être levés. L’ancienne catégorie A et l’ancien cadre L/A ont été fusionnés en un groupe de fonctions AD, permettant une mobilité d’une ampleur inconnue jusque-là.

Les anciennes catégories B et C ont également été fusionnées et sont devenues le groupe de fonctions AST, facilitant la mobilité verticale.

Pensions

Les principales modifications étaient les suivantes…

La pension d’invalidité, relativement attractive, a été remplacée par une allocation d’invalidité, avec des conditions moins intéressantes.

Les coefficients correcteurs pour les pensions ont été supprimés, mais avec des dispositions transitoires. Le délai pour demander le transfert des droits à pension est passé de six mois à dix ans et six mois.

Les conditions de retraite anticipée ont été fortement améliorées, mais l’âge minimal de départ à la retraite a été relevé.

Aspects sociaux

Le congé parental (six mois par enfant) et le congé familial (neuf mois) ont été mis en place, à des conditions favorables.

Le congé de maternité, le congé d’adoption et le congé de paternité ont vu leur durée considérablement augmentée.

La durée maximale du congé de convenance personnelle est passée à quinze ans.

Les modalités et conditions de temps partiel ont été améliorées et le partage d’emploi (job-sharing) a été introduit.

Les partenariats enregistrés ont été assimilés au mariage (avec les mêmes droits et avantages) si le couple n’a pas accès au mariage.

Points négatifs

Carrières

  • La baisse des salaires de recrutement (de -4%à -10%, dans certains cas jusqu’à -20%);
  • Le remplacement de l’ancienne catégorie D par des agents contractuels, qui gagnent 25% de moins que les fonctionnaires D qui occupaient les mêmes postes;
  • La possibilité pour les agences et les offices d’employer à tous les niveaux des agents contractuels à durée indéterminée.

Il est important de noter que la baisse des salaires au recrutement devait être compensée à long terme parce que les nouveaux fonctionnaires pourraient tous progresser vers un grade et un niveau salarial supérieur à ce que prévoyait l’ancien Statut et bénéficier d’une pension supérieure de 15 à 20% au maximum prévu précédemment.

Pensions

Le taux d’acquisition de droits à pension est passé de 2,0% à 1,9% en 2004 et à 1,8% en 2014.

L’âge normal de départ à la retraite a été relevé de 60 à 63 ans en 2004 et à 65 ans en 2014 (et même 66 ans pour les nouveaux recrutés).

L’âge minimal de départ à la préretraite a été relevé de 50 à 55 ans en 2004 et à 58 ans en 2014.

La réforme statutaire de 2014

Cette nouvelle réforme a représenté un pas en arrière considérable : nouveaux blocages de carrière, gel des salaires pour plusieurs années et augmentation de la durée du travail qui passe de 37h30 à 40h !

Points positifs

La nouvelle Méthode d’actualisation des rémunérations et pensions, d’une durée de dix ans, est aussi bonne que les précédentes. En outre, elle restera en vigueur sans limite de temps tant qu’une nouvelle Méthode n’a pas été adoptée.

L’actualisation des rémunérations n’est plus subordonnée à l ‘accord du Conseil.

Nous avons également pu éviter que les assistants ne soient systématiquement recrutés comme agents contractuels. Dans les institutions, les agents contractuels ne peuvent toujours remplacer que le personnel de l’ancienne catégorie D.

À part cela, seules quelques améliorations mineures ont pu être obtenues.

Le principal objectif des Etats membres était de revenir sur certaines des avancées principales de la réforme de 2004 qui, contrairement à une croyance “populaire” alimentée par la propagande de certains syndicats, était largement positive et a apporté de nombreuses améliorations importantes.

La détérioration la plus grave a été le détricotage de l’allongement des carrières avec la perte de deux grades, sauf pour quelques fonctions particulières, supprimant ainsi la possibilité de compenser la baisse des salaires au recrutement par des grades plus élevés en fin de carrière.

Le personnel a été réduit de 5% et la durée hebdomadaire du travail relevée de 37h30 à 40h, balayant ainsi,après vingt-cinq ans, les principaux acquis sociaux de 1981. Pour de nombreux collègues, c’est le point le plus négatif de la réforme de 2014.

L’Union Syndicale a également traité et traite toujours de nombreux autres dossiers afin d’obtenir de nouvelles améliorations sociales, souvent au niveau des différentes institutions :

  • les dispositions générales d’exécution (DGE) de nombreuses dispositions du Statut;
  • le système d’évaluation et de promotion, que nous voulons transparent, prévisible et équitable;
  • les conditions de travail;
  • la compensation des heures supplémentaires;
  • le Flexitime, avec des règles favorables;
  • la mobilité;
  • le télétravail;
  • les conditions de voyage et de travail en mission;
  • dans le secteur de la recherche, la transformation de quasiment tous les contrats temporaires en postes permanents;
  • le remboursement des frais médicaux, qui a été amélioré significativement.

Mais l’Union Syndicale est loin d’être une organisation purement “bruxelloise”.

En 1984, à l’initiative de l’Union Syndicale Bruxelles, les syndicats des différents lieux d’affectation ont créé une fédération, qui est maintenant devenue l’Union Syndicale Fédérale (USF). Avec près de 10.000 membres, elle est de loin le syndicat le plus représentatif de la Fonction publique européenne et internationale. Grâce à son réseau d’adhérents et d’organisations membres, elle a pu obtenir de belles améliorations sociales, toutes gagnées au nom de l’Union Syndicale.

Conclusions : améliorations sociales obtenues par l’Union Syndicale

Après la réforme de 2014, nous pouvions légitimement espérer une longue période de paix sociale, notamment parce que la durée de la Méthode pouvait être illimitée.

En raison d’événements politiques tels que le référendum britannique sur le retrait de l’Union européenne (Brexit), de sombres nuages planent sur l’avenir de l’UE. Outre ses conséquences politiques et le coup d’arrêt qu’il représente pour l’intégration européenne, le Brexit a également de graves conséquences financières. Le Royaume-Uni contribue pour 12% au budget de l’Union. La solution la plus simple pour combler ce déficit serait de réduire toutes les dépenses, y compris les salaires et les pensions, de 12%. Il est bien entendu que l’Union Syndicale s’opposera avec détermination à une telle solution simpliste.

Que nous réserve l’avenir ? Honnêtement, personne ne peut le dire. Mais des facteurs économiques tels que la mondialisation, l’automatisation, la robotisation et la numérisation peuvent apporter des bouleversements qui dépassent notre imagination. Une hausse du chômage pourrait résulter de cette nouvelle révolution (post-)industrielle et ces améliorations sociales, aprêment gagnées, se retrouvent sur le fil.

Le projet européen -une Union sans cesse plus étroite- et le Service public européen sont maintenant sérieusement menacés par de fortes tendances nationalistes dans de nombreux pays.Un groupe nationaliste s’est constitué au sein du Parlement européen. Le Royaume-Uni quitte l’Union. Des partis nationalistes font partie des gouvernements polonais, hongrois, belge, finlandais et autrichien. Ils se renforcent en France, en Allemagne, en Italie, au Danemark. C’est certes en réaction à la dérégulation néo-libérale et à la mondialisation, mais aussi aux différentes crises que nous avons traversées au cours des dernières années. Les dirigeants européens échouent, tant au niveau européen qu’au niveau national, à en comprendre les causes sous-jacentes et à maintenir la protection et la cohésion sociales.

L’Union Syndicale veut participer à la défense de l’idéal européen et du Service public européen, véritable colonne vertébrale de l’intégration européenne; elle veut contribuer à la réalisation du bien-être et du progrès social sur nos lieux de travail, mais aussi en solidarité avec les travailleurs et leurs syndicats dans toute l’Europe.

Günther Lorenz

À Propos de l’auteur

Président d’honneur de l’USB