La sante mentale, un enjeu de taille

La sante mentale, un enjeu de taille

Agora #95
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Cette explosion de maladies mentales et burnouts traduit la montée des exigences de performance, la perte de sens et la pression croissante de l'organisation du travail.

Le service médical de la Commission a présenté les statistiques de l’année 2024 : Il s’agit d’une présentation sommaire, sans analyse et avec des données manquantes, mais qui attire chez nous, en tant que syndicat, l’attention sur certains éléments : L’année 2024 marque une légère baisse de l’absentéisme pour cause médicale par rapport à 2023 et 2022.

À première vue, cette évolution pourrait laisser penser à une amélioration du bien-être au travail, pourtant, d’autres éléments peuvent jouer:  Surement, l’effet post-pandémie, mais les témoignages recueillis chez nos collègues font aussi état d’une pression accrue de la hiérarchie, de la crainte des contrôles médicaux, peur de perdre des possibilités de promotion ou de fragiliser sa position dans un environnement professionnel tendu.

Plus controversé serait le rôle du télétravail qui a fait, de facto, disparaître le caractère invalidant de plusieurs maladies, mais qui a liquidé la frontière entre travail et vie privée et permet une sollicitation même hors horaire de travail des collègues.

Un chiffre saute aux yeux : 75 % des absences médicales et des mises en invalidité concernent des femmes. Cette surreprésentation n’est pas nouvelle, mais elle demeure alarmante. Elle peut s’expliquer par la double charge que beaucoup de femmes assument, combinant responsabilités professionnelles et familiales, mais aussi par le fait que, malgré les progrés réalisés, les femmes continuent à être majoritaires dans les postes les plus bas. Pour l’Union Syndicale, cette réalité impose des mesures concrètes : reconnaissance des risques spécifiques aux collègues femmes, adaptation des postes, sensibilisation des managers à l’égalité, etc.

Il ressort clairement de la présentation que l’absentéisme par cause médicale demeure plus marqué dans les catégories les plus précaires,  où les contrats courts et les salaires bas dominent. Les conditions instables, les rythmes irréguliers et le manque de perspectives usent les corps et les esprits. Il n’est pas innocent que les deux services avec le plus haut pourcentage d’absentéisme soient le PMO et l’OIB.

Mais le phénomène le plus préoccupant est sans doute celui de la santé mentale. Les troubles psychiques et le burnout constituent désormais la moitié des motifs d’absence et des mises en invalidité. Le burnout n’est pas en soi une maladie mentale d’après l’Organisation Mondiale de la Santé, mais constitue un risque important de développer une dépression, est associé à des troubles anxieux et peut provoquer des manifestations somatiques comme la fatigue chronique, des insomnies et migraines.

Cette explosion de maladies mentales et burnouts traduit la montée des exigences de performance, la perte de sens et la pression croissante de l’organisation du travail. Pour l’Union Syndicale, cette situation impose un changement d’approche. Il ne suffit plus d’agir ponctuellement, il faut inscrire durablement la prévention des risques psychosociaux dans les politiques des institutions. Cela passe par la formation des managers, une véritable reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelles et un renforcement des dispositifs d’écoute et d’accompagnement.

Si l’absentéisme recule légèrement, les causes profondes de la maladie au travail persistent, voire s’aggravent. Loin d’être un signe de rémission, la baisse apparente des arrêts pourrait bien cacher une fatigue silencieuse et une résignation diffuse.

Face à cette réalité, l’Union Syndicale plaide pour une politique de santé au travail globale : meilleure prévention, égalité de traitement entre femmes et hommes, sécurisation des parcours professionnels, et reconnaissance pleine de la santé mentale comme enjeu collectif.

Protéger la santé de nos collègues, c’est aussi refuser que l’efficacité à court terme prenne le pas sur la dignité. Derrière chaque chiffre d’absentéisme se trouve une personne, et derrière chaque personne, un droit fondamental : celui d’exercer son métier sans y laisser sa santé.

Juan Pedro PÉREZ ESCANILLA

A PROPOS DE L’AUTEUR

Juan-Pedro est Membre du Comité Fédéral USF