Écoles européennes en Italie

Écoles européennes en Italie

Agora #95
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Les écoles européennes ont pour vocation de défendre les droits éducatifs de toutes les familles du personnel de l'UE, reflétant ainsi l'engagement de l'Union en faveur de la diversité linguistique et de la mobilité.

Garantir un accès équitable à l’éducation pour les enfants du personnel de l’UE

L’Union européenne, dans son engagement à promouvoir une fonction publique multilingue et multiculturelle, considère à juste titre l’éducation comme un pilier essentiel du bien-être du personnel. Cela est particulièrement important pour le personnel expatrié dont les enfants doivent avoir accès à une éducation qui favorise la mobilité, la reconnaissance académique dans tous les États membres et l’éthique européenne. Cependant, pour ceux d’entre nous qui travaillent dans des agences décentralisées, l’absence fréquente d’écoles européennes de catégorie I soulève d’importantes questions en matière d’équité et de considérations institutionnelles.

Le problème de l’emplacement sans infrastructure

Les écoles européennes de catégorie I proposent un programme complet sanctionné par le baccalauréat européen et sont considérées comme la référence absolue pour les enfants du personnel de l’UE. Cependant, lorsque les agences sont situées dans des villes qui ne disposent pas de telles écoles, le personnel est implicitement tenu de trouver des alternatives. À Turin, le personnel de l’ETF est confronté à un patchwork d’écoles internationales, bilingues ou nationales italiennes, dont aucune n’est entièrement conforme au programme et à la philosophie des écoles européennes. Cette situation impose des contraintes financières et pragmatiques aux familles.

Mesures actuelles

Pour réduire cet écart, l’ETF a introduit en 2019 une mesure sociale remboursant une partie des frais de scolarité des enfants du personnel, applicable aux agents temporaires et contractuels ayant un contrat d’au moins un an. Cette mesure couvre les enfants fréquentant « des écoles qui dispensent un programme international/étranger ne débouchant pas sur un certificat/diplôme officiel italien »[1], car « il n’y a pas d’école européenne dans la région où se trouve le siège de l’ETF ». L’ETF rembourse 50 % des frais résiduels (inscription et frais de scolarité dépassant l’allocation scolaire normale). Les frais de transport, les repas, les uniformes, les livres et les voyages scolaires sont exclus. Les remboursements sont soumis à la disponibilité budgétaire ; des paiements partiels peuvent être effectués et ajustés ultérieurement.

Comme évoqué précédemment, cette mesure ne s’applique actuellement qu’aux établissements scolaires qui « ne délivrent pas de certificat/diplôme officiel italien », ce qui signifie que certains établissements bilingues ou hybrides de grande qualité restent inéligibles, même lorsque leur programme scolaire est très similaire à celui du baccalauréat européen.  Cette limitation a suscité des inquiétudes parmi le personnel qui souhaite un accès plus inclusif à des options éducatives diversifiées, conformes aux normes européennes.

Compte tenu de la présence de plusieurs organisations internationales et d’une agence de l’UE axée sur l’éducation et la formation, la situation actuelle offre l’occasion d’élargir l’accès à des options éducatives diversifiées et de grande qualité, de manière plus inclusive et plus équitable.

 

[1] ETF/19/DEC/005 « Mesure à caractère social concernant les frais de scolarité des enfants à charge du personnel de l’ETF » (editor traduction)

Le modèle de Parme : un précédent institutionnel

La Scuola per l’Europa di Parma, une école européenne agréée créée en 2004 pour répondre aux besoins éducatifs des familles travaillant à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), est souvent citée dans les discussions sur l’enseignement européen en Italie. Il s’agit de l’une des deux seules écoles européennes agréées en Italie (l’autre se trouvant à Brindisi) et elle propose un programme complet, de la maternelle au baccalauréat européen.

Si le cas de Parme illustre comment une école européenne peut être lancée avec succès en coopération avec les autorités nationales et une agence de l’UE, il est important de reconnaître ses limites opérationnelles. Les commentaires de certains membres du personnel de l’EFSA et de familles locales ont soulevé des préoccupations concernant :

  • La taille limitée de l’école, qui restreint l’éventail des sections linguistiques et des options curriculaires.
  • Les problèmes d’infrastructure et d’entretien, qui seraient dus à des contraintes financières.
  • Le nombre de familles qui choisissent de quitter Parme pour accéder à une offre éducative plus large ou plus stable ailleurs.

Dans cette optique, le modèle de Parme ne doit pas être considéré comme idéal. Néanmoins, il reste un précieux précédent institutionnel : cette école existe parce que les autorités locales et nationales, en partenariat avec la Commission européenne et l’EFSA, ont coordonné leurs efforts pour répondre aux besoins du personnel de l’UE dans une ville italienne de taille moyenne.

Turin, qui est le siège de l’ETF et d’un réseau d’organismes internationaux, notamment l’UNICRI, l’ITC-OIT et l’École des cadres du système des Nations Unies, pourrait également envisager la création d’une école accréditée au niveau européen, à condition qu’il y ait une volonté politique suffisante et une action de sensibilisation coordonnée. Il convient de noter que, dans le système des Nations unies, seuls les fonctionnaires recrutés au niveau international sous contrat « P » ont droit à un remboursement de 80 % des frais de scolarité dans les écoles internationales, alors que dans le système de l’UE, cette aide est en principe accessible à tous les fonctionnaires.

Le cas de Florence

Tout comme Turin, Florence dispose d’un nombre limité d’écoles internationales. Parmi les exemples notables, citons l’International School of Florence (ISF) et la Canadian School of Florence, qui proposent toutes deux le baccalauréat international, ainsi que le Lycée Français Victor Hugo, qui permet d’accéder au baccalauréat français. À l’instar de Turin, Parme et Rome, Florence ne compte aucune école européenne de catégorie I. Une aide financière destinée à compenser les frais de scolarité élevés de ces écoles internationales est accordée au cas par cas, et uniquement aux expatriés.

Le paradoxe de Varèse : une école trop éloignée

Bien qu’une école européenne de catégorie I soit située à Varèse, à environ 130 km de Turin, la distance considérable et le temps de trajet rendent cette option peu pratique pour le personnel de l’ETF, en particulier pour ceux qui ont de jeunes enfants. Par conséquent, malgré sa présence officielle, l’école de Varèse n’offre pas de solution viable aux besoins scolaires des familles de l’ETF basées à Turin.

Options scolaires à Turin

Le Liceo Vittoria propose un programme de quatre ans qui comprend des IGCSE et des A Levels en anglais, étroitement alignés sur le modèle du baccalauréat européen. De même, le Lycée Français International Jean Giono propose un programme scolaire français complet et constitue une option intéressante, en particulier pour le personnel issu de milieux francophones. Cependant, cette école peut également ne pas entrer dans le champ d’application des établissements actuellement éligibles au remboursement complémentaire en vertu des règles existantes de l’ETF.

Suggestions concrètes de réformes

Afin de favoriser l’égalité d’accès à l’éducation pour les enfants du personnel des agences de l’UE, les institutions pourraient envisager :

  • D’autoriser une aide complémentaire pour tout programme scolaire rigoureux conforme aux « principes » des écoles européennes, quel que soit l’organisme délivrant le diplôme.
  • De donner la priorité à l’aide aux agents de grade inférieur (agents contractuels, AST jusqu’à AST5), afin de garantir l’égalité d’accès pour le personnel italien et non italien.
  • De rechercher activement l’accréditation d’écoles locales, telles que le Liceo Vittoria ou le Lycée Jean Giono, au statut d’École européenne, en s’inspirant de l’exemple de Parme.

Les écoles européennes sont destinées à l’ensemble du personnel

Les écoles européennes ont pour vocation de défendre les droits éducatifs de toutes les familles du personnel de l’UE, reflétant ainsi l’engagement de l’Union en faveur de la diversité linguistique et de la mobilité. L’éducation n’est pas un avantage, mais un élément essentiel du bien-être et de l’efficacité du personnel. Lorsque les agences opèrent dans des villes où il n’y a pas d’écoles européennes, l’UE a la responsabilité de trouver des solutions appropriées.

En fin de compte, et en particulier en ce qui concerne l’attractivité des lieux d’affectation en Italie, une solution coordonnée au niveau de la Commission européenne serait préférable, une solution qui garantirait de manière proactive un accès équitable à une éducation de haute qualité, de type européen, pour toutes les familles du personnel, plutôt que de laisser chaque agence élaborer ses propres mesures individuelles.

L’accès à une telle éducation doit être considéré comme un droit fondamental, et il est essentiel de répondre collectivement à ce besoin pour maintenir une fonction publique européenne équitable, inclusive et efficace.

Aleksandra FALCONE

A PROPOS DE L’AUTEUR

Aleksandra Falcone travaille à la Fondation européenne pour la formation (ETF) en tant que responsable de la planification, du suivi et des rapports. Elle est membre du Comité fédéral de l’USF de l’Union Syndicale-ETF.