Editorial Agora #87

Editorial Agora #87

Agora #87
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Dans ce tout nouvel Agora 87 concernant la précarité, Frances McFadden et Isabelle Gossart nous racontent comment elles aussi ont expériencé la précarité, chacune à leur manière.

Je devais avoir 20 ans lorsque j’ai commencé à travailler. Je me souviens de ce  mélange de peur et d’excitation à l’idée d’aller travailler à Paris. Originaire d’un petit village de la côte ouest de l’Irlande, Paris était une promesse d’aventure, une chance de pratiquer mon français et de construire une carrière. J’avais un emploi en vue et la promesse d’un logement, du moins je le pensais. Une fois sur place, la réalité s’est avérée bien différente. J’ai dû trouver un autre logement au cours de la première semaine et naviguer dans les méandres de l’administration locale a été une véritable expérience en soi. Où est votre visa Madame ? me demanda l’agent de police en regardant mon passeport européen, lorsque je tentais de m’enregistrer comme nouvelle arrivante. J’étais loin de chez moi, seule et je commençais ma carrière dans un nouveau pays.

Les nouveaux collègues sont confrontés à des défis similaires. Nous nous souvenons tous de ce que nous ressentons au début de notre carrière et nous pouvons compatir avec les collègues dont le contrat est fixe et sans garantie de renouvellement. L’isolement des premiers mois peut être difficile à vivre, à un moment où vous avez le plus besoin de conseils pour vous orienter dans votre nouvel environnement de travail et dans les formalités administratives locales.

Le sentiment d’incertitude, le stress de ne pas savoir si vous allez arriver à vous en sortir. Avoir accès à un réseau de personnes prêtes à vous conseiller est essentiel et c’est ce que fait l’Union Syndicale.

Mes expériences m’ont conduite à devenir membre de l’Union Syndicale. Je garde en mémoire mes débuts, les difficultés rencontrées, les profondes amitiés nouées en cours de route mais aussi la richesse des expériences dont j’ai pu avoir le privilège parce que j’ai pris un chemin le moins fréquenté.

Frances

Frances McFadden

A propos de l’auteur

Frances est une AST qui a travaillé dans différents domaines du Conseil de l’Union européenne depuis son arrivée en 2000, notamment dans les relations extérieures, la formation et l’informatique. Elle est actuellement présidente du comité du personnel.

Cher lecteur,

En lisant ce texte, écrit par une fonctionnaire nommée depuis 19 ans au sein des institutions européennes, ne croyez pas qu’il soit pour autant dépourvu d’empathie envers nos collègues agents contractuels (AC) et agents temporaires (AT), bien au contraire !

Se pencher sur la précarité amène à se souvenir de l’époque où, moi-même, je suis rentrée à la Commission européenne, en tant qu’intérimaire, avec un contrat qui se terminait tous les vendredis, sans certitude de le voir prolongé pour la semaine suivante.

Difficile de prévoir une vie de famille quand on est sur un planning hebdomadaire et que l’on a deux petits enfants à faire garder…

Et voilà que vous entendez que votre Direction générale va se restructurer: que vais-je devenir ? Où aurait-on besoin de moi ? À ce stade, il faut y aller au culot, foncer chez la gestionnaire des ressources humaines et proposer ses services, accepter un poste en-dessous de ses qualifications, pour un an mais qui vous permet au moins de rester dans la Direction générale avec un contrat d’agent auxiliaire (agent contractuel actuellement).

Pendant cette période de stress et d’incertitude, vous savez que vous devez étudier et vous préparer à un concours, seul moyen de vous stabiliser dans les institutions européennes. Vous devez travailler de

longues heures, car vous savez que si vous ne vous surinvestissez pas, une pléiade de personnes attendent devant la porte des ressources humaines pour vous remplacer…

Cher lecteur, si vous êtes parmi ces agents temporaires et contractuels, sachez que nous, fonctionnaires, sommes de tout cœur avec vous et que si nous nous sommes engagés dans un syndicat, c’est pour influer sur la politique de recrutement de nos institutions qui est centrée sur la rentabilité et non sur l’aspect humain… Je suis là où je suis mais je n’oublie pas que j’ai été là où vous êtes !

Bien sincèrement,

Isabelle

Isabelle gossart

A propos de l’auteur

Je suis assistante en communication au Comité du Personnel au sein du Conseil de l’Union européenne, depuis septembre 2021. De formation, je suis traductrice mais je n’ai jamais travaillé dans ce secteur. Après mon master, j’ai obtenu un diplôme en sciences politiques et en relations internationales.  J’ai travaillé 10 ans à la Commission en tant que coordonnateur législatif et depuis 2010, au Conseil principalement, dans les marchés publics. En septembre, j’ai décidé de commencer une formation qualifiante de trois ans pour devenir photographe.